Km 0: La
météo annoncée est idéale, chaude température, PDP 10-30%, 5 à 10 km/h de vent S, SE. Il y
a donc 14 bougres au départ de ce brevet de 300 dont 3 frenchies, 1
demi-norvégien et le reste de pure laine d’icitte ! Salutations d’usage, je
commence à connaitre du monde et j’en suis bien content. Je retrouve mon pote
du 600 de juin 2013, l’ami René de Rimouski accompagné de sa moitié Benoit de
Québec-City qui le suit dans tous ses projets fous, dont 3 ultra distances
l’année dernière, dois-je le répéter, prenez des notes, merde alors ! L’ami
Gaby est aussi du party, mon pote de misère du dernier 600 dans la canicule. Dans
cette bande de joyeux drilles, il y a 2 néophytes, Sindré Ulvik Péladeau, avec
un nom pareil, on a compris que ça sent le métissage à plein nez. C’est son
premier 300 km
à vie, Sindré est un adepte du cyclo-tourisme-camping équipé de son Marinoni
vert pétant, faux vintage, c'est-à-dire neuf d’il y a 3 ans avec logo et
peinture des années 80. Ce cyclo de 26 ans seulement est déjà tout un
personnage. Ses pédales n’ont pas de cales, tiens ça me rappelle quelqu’une à
ses débuts de breveteuse, une certaine MC ! Donc pas de cales, mais de rutilants
cale-pieds à l’ancienne avec sangles, ses chaussures en vieux cuir brun clair
sorties tout droit du grenier car ayant appartenues certainement à son
grand-père, son short n’est pas un cuissard et ne possède pas de peau de
chamois. Bref, c’est tout le contraire du cyclo m’as-tu vu ! Il a fait le 200 km la semaine passée
avec sa copine et il a pris apparemment la piqûre des brevets. Il y a aussi
Martin Lemay de Ste Adèle que j’appellerai Martin L car y a beaucoup (trop) de
Martin au Québec, qu’est-ce qui s’est passé avec ce prénom, nom de Dieu ? Nous
apprendrons à connaître tout ce beau monde au cours de la ride. Cliché souvenir,
12 cyclos sont figés par le kodak, puis Jean s’élance seul. Bon ben, c’est
l’heure d’y aller alors !
Km
1: Je discute avec une autre
connaissance, ami de l’ami Mario, c’est Oliver Caty, un ancien pote de brevet
de 2012. Il revient sur le circuit des BRM avec son nouveau vélo, un Guru tout
titane, il a envie de rouler plus vite et il a laissé son vieux bazou au
garage. C’est certainement cela que ça me prendrait pour faire le mariole de la
vitesse et briser des records, au moins les miens !
Km
2: Il n’en faut pas plus pour voir
les autres breveteux filer devant et nous retrouver déjà en gruppetto. Ah le
gruppetto ! Terme pour définir le groupe des cyclistes attardés au Tour de
France, genre d’autobus pour finir dans les délais, dans lequel se rassemblent
tous les largués du peloton, les faiblards, les malpropres, les nuls à chier !
Moi, ça ne me dérange pas pentoute de me retrouver à la traine, pourvu que ce
soit en en bonne compagnie. On roule à notre rythme. on a même du souffle pour
papoter tout notre saoul, faire connaissance avec du nouveau monde. En chaque
personne se cache tant de trésor, de mystère et de misère !
Km
8: Notre nouvel ami et demi
norvégien prend un relais assez costaud sur Lapinière, on le suit sans
broncher.
Km
15: Jean que je pensais devant, nous
double sur Grande Allée avec son air d’aller. Je n’ai pas compris pourquoi il
était derrière alors qu’il est parti le premier, sans doute est-il repassé chez
lui ? Au passage de la rivière, nous stoppons pour vider nos vessies en commun.
Km
25: Les souvenirs des brevets passés
remontent à la surface de nos pensées. On se délecte en se remémorant quelques
anecdotes secrètes qu’on ne peut écrire dans ce récit, fallait être là ! René
et Benoit nous avouent qu’ils n’ont pas fait beaucoup de vélo cette année et
qu’ils n’ont dans les jambes qu’environ 300 km, ouin, ça promet !
Km
37: Sur la 112, il y a des travaux, les
flics nous invitent gentiment à découvrir les rues résidentielles de Marielle-Ville !
Km
54: Premier checkpoint de St
Césaire, moyenne 25 km/h.
On retrouve Gaby tout seul, qui se restaure encore. Les autres ont déjà filés,
désirant faire un temps autour de 12 heures, vu cette belle météo, propice aux
explosions de record. Post sur Facebook pour informer mes fidèles partisans.
J’ai aussi mis en route mon tracker par iPhone car je sais que certains et
certaine le suive. Nous reprenons la route à 5 cyclos.
Km
58: Sindré entreprend un 2ème relais
à 28 de moyenne alors qu’on roule à 26. Trop fjord (de Norvège), le Sindré !
Par la suite, il se contentera d’accrocher le wagon au train du gruppetto,
c’est le métier qui rentre. On prend la piste cyclable qui mène à Granby,
toujours plus agréable que la route Papineau-Cowie.
Km
70: Benoit chute à l’arrêt, suite à
un stop soudain à l’intersection de la piste avec une route passante. Nous le
regardons s’écrouler benoitement et sans comprendre, du côté droit, peut-être à
cause de sa sacoche unique, côté droit justement ! Bilan, un rétro de guidon
explosé et quelques éraflures.
Km
80: Rituel arrêt au Vélo Gare de
Granby. Pause de 5 minutes qui dure en réalité un peu plus, nos minutes doivent
comporter 180 secondes, me semble. De vraies filles, ces gars-là ! Il fait
chaud mais c’est encore très correct, il n’est que 9 heures et des brouettes.
Km
87: Après quelques kilomètres sur la
112, nous attaquons le relief du parcours par le chemin Saxby. La hiérarchie
dans les côtes se met en place. D’abord René et moi, suivi de près par Benoit,
enfin Gaby et Sindré.
Km
95: Nous traversons Bromont par la
piste cyclable qui serpente parmi les arbres et les vallons. C’est joli par
icitte, s’esclaffent certains.
Km
105: Quelques côtelettes dont celles
du Chemin Brôme sont vite avalées. Nous en profitons pour absorber notre 2ème
néophyte Martin L qui sera le 6ème homme de notre gruppetto.
Descente rapide sur la 104 et voilà déjà l’IGA de Lac Brôme, comme ça passe
vite quand on a la frite !
Km
115: Ravito pour tout le monde,
pointage au deuxième contrôle aux caisses de la superette. Nous nous installons
pour dévorer sur les tables à l’air climatisé, faut éviter la surchauffe de
l’extérieur.
Km 125: Après une bonne pause à discuter et faire connaissance avec Martin des Laurentides, nous nous remettons en selle. Je prends un long relais mollo pendant 10 kms dans le faux plat du chemin de Bolton Pass. Tout le monde digère et roupille derrière, personne ne semble intéressé à passer devant. Alors je me relève pour prendre quelques photos de notre gruppetto en formation, puis je me réinstalle confortablement à l’arrière, bien calé dans le sillage de mes congénères.
Km
135: Les relais s’enchaînent à tour
de rôle pour René, Martin, Gaby et moi, on déroule gentiment la 243 en jouant à
saute colline.
Km
138: On a perdu Martin et on ne s’en
est pas aperçu tout de suite. En fait, il a perdu son GPS Garmin Dakota spécial
pour vélo de montagne de couleur jaune, en passant dans un foutu nid de poule.
Celui-ci s’est éjecté dans le fossé et il ne l’a pas retrouvé après 15 minutes
de recherche. Grosse récompense promise à qui le retrouvera.
Km
145: Arrêt crème glacée et boisson
fraîche car la relative chaleur assèche nos parois buccales et nos gosiers,
bref on a soif ! Personne ne se fait prier pour cette halte improvisée. Photo
de la gang suçotant son bâtonnet glacé. Nous faisons plus ample connaissance
avec la Norvège de notre ami Sindré. Celui-ci s’accroche comme il peut à notre
groupe car ce n’est pas son allure habituelle. Il nous dit qu’il va rouler à
son rythme si c’est trop fort pour lui. En m’apercevant de son courage, j’ai
déjà dans l’idée que nous le ramènerons avec nous jusqu’à l’arrivée. Comme dans
le film Il faut sauver le soldat Ryan, aujourd’hui il faudra ramener le cyclo Sindré.
Km 155: Nous retrouvons la vallée de la Missisquoi, si accueillante en temps de canicule, avec un vent quasiment nul, ça roule aux toasts beurrés des 2 bords. Malgré cela, on se fait dépasser par une bande de cyclistes rapides, que j’aime appeler couraillons, hommes et femmes confondus. La difficulté de la journée s’en vient, j’ai nommé la Scénic, côte longue de 3 kms et culminant à plus de 300 mètres.
Km
162: Ça y est, la côtelette vedette
est en vue. Je sonne la charge, couteau entre les dents. Mes collègues bien
sagement, vont monter à leur tempo, seul René tente de me suivre, et il y
parvient l’animal ! De toute façon, on s’attend tous rendus en haut, c’est ça
un gruppetto soudé. Nous doublons une partie du groupe des couraillons qui font
une pause à mi-côte. Hey, c’est pas fini les aminches, y en a encore un bout.
Nous atteignons le sommet avec René dans ma roue et déclenchons le chrono pour
voir à combien de minutes sont nos poursuivants au classement général, on s’amuse
comme on peut ! Benoit arrive avec 1 mn de retard, Gaby 3 mn, Martin 4 mn et Sindré
5 mn. Nos couraillons font également une pause au sommet, ils ont tous des
vélos carbone ultra léger et des tenues cyclistes dernier cri de la mode. À
côté d’eux, notre équipe de bras cassés dénote un peu, avec nos vélos de cyclos
un peu lourds (surtout ceux en acier), nos sacoches, nos loupiotes, nos GPS
volumineux, notre Sindré vintage, notre Gaby calinours des brevets et moi le
frenchy dévergondé qui lâche quelques jokes plates que personne ne comprend !
Plus que 150 bornes les gars, dis-je tout haut, maintenant ça descend tout le
temps. Malgré nos différences, la discussion s’installe amicalement, les
couraillons nous regardent comme des extra-terrestres lorsqu’on leur parle de
brevets, des 300 kms que nous accomplissons aujourd’hui, de notre objectif de
PBP pou certains. Alors qu’eux, avec leur ride de 120 kms, ils sont déjà
épuisés, rien qu’à nous écouter ! Bonne route, les gars et les filles, c’est ça
la fraternité du vélo.
Km
165: Descente infernale sur
Abercorn, je descends full pin, je lâche les brakes et perfore mon record de
vitesse maxi à 75,4 km/h.
Gaby me rattrape et me dit que si on tombe, ça fait mal. Ouin, 65 ou 75 km/h, ça fera pas une
grosse différence anyway. Nous enquillons la 139, direction le Subway de
Sutton. À ces mots, notre Gaby écrase les pédales et disparaît à l’horizon.
Faut jamais parler de bouffe à Gabriel, ça excite son féroce appétit, belle
façon de pédaler avec son estomac.
Km
180: 3ème contrôle de
Sutton et son Subway. Dans notre rush sur la 139, nous avons perdu notre Sindré.
Malheur, n’oublions pas qu’il faut sauver le soldat Ulvik ! Je cours à sa
recherche et le rattrape à l’IGA, il n’avait pas vu l’énorme pancarte avec son
petit singe. Tout le monde reprend des forces et engloutit des dizaines de
pouces de soumarin, des litres de soupe et autres yogourts. Gaby me demande
toujours ce que j’ai pris et il dit à la serveuse, pareil que lui, mais en 12 pouces ! Oui car moi
c’est 6 pouces.
Incorrigible Gab ! Repus, reposés, requinqués, nous levons le camp après une
longue pause, histoire de bien récupérer pour Sindré, légèrement épuisé.
Km
190: On remonte plein nord par la
215, avec un léger vent de sud, ça roule plutôt bien. Gaby prend un relais à 32
de moyenne, on se fait tous aspirer dans son sillage jusqu’à la 104 toujours
très achalandée.
Km
205: Nous roulons à la queue leu leu
en dépassant Cowansville, à cause du trafic. Les jambes accumulent les
kilomètres sans broncher, douce sensation. Gaby et moi assurons les relais de
notre gruppetto, la vie est belle, le ciel se grisaille, le soleil est voilé,
li fait moite.
Km
213: Constamment desséchés, assoiffés,
déshydratés, nous arrêtons d’un commun accord au dépanneur Ultramar de Dunham.
C’est la énième pause crème glacée, eau pétillante ou autres boissons sur
lesquelles chacun fantasme, lait au chocolat, perrier, pepsi, orangina, c’est à
ton goût ! Reste 99 bornes au compteur jusqu’à destination, on est passé à 2
chiffres pour le final, yes.
Km 225: Nous rattrapons Stanbridge et la direction nord qui nous fait rouler à vive allure sans forcer. Soudain, je sens comme une piqûre aigue dans mon dos, sûrement un insecte, alors je m’arrête précipitamment. René s’immobilise avec moi, les autres continuent. Je prends 3 minutes pour retirer mon maillot à vérifier ce que c’est et savoir si la bête imaginaire a disparu. Il nous faudra une bonne dizaine de kms pour rattraper le gruppetto qui roulait à bonne vitesse avec le vent dans le dos.
Km
240: Nos amis nous attendent à la
voie de contournement de Farnham. Sindré fait une pause, juché sur le talus.
Km
255: Je reprends ma place de leader
du peloton pour contourner Farnham, puis c’est au tour de Gaby. Ce n’est pas
pour longtemps car René se positionne en tête et me dit que c’est une portion
de route qu’il affectionne particulièrement. Fais-toi plaisir que je lui dis !
Il n’en faut pas plus pour que le bougre monte le rythme à 33 voir 35, faisant
exploser notre groupe par l’arrière. Nous attendons Martin et Sindré à
l’approche de St Césaire.
Km
268: 4ème contrôle de St
Césaire et son Tim. Encore une collation pour remplir notre réservoir d’énergie
qui alimente nos muscles, on n’arrête pas de papoter. Hola, rappel à l’ordre,
faut décoller les gars. Les loupiottes sont de sortie même si on repart alors
qu’il fait encore jour. Le mot d’ordre est toujours qu’il faut ramener le cyclo
Sindré alors nous settons le cruise control à une vitesse maxi de 26 pour le
retour. C’est dit, nous rentrerons à St Lambert comme un seul homme, comme un
gruppetto quoi !
Km
285: Après un petit croche par
Rougemont, nous pédalons en rang serré sur la 112, envoyant les roches qui se
présentent sous nos roues de tous côtés. Nous apercevons en sens inverse le
bolide rouge de l’ami Alain Cuillerier. Il nous klaxonne, on lui pitche des
roches en signe d’amitié et de reconnaissance.
Km
290: À Richelieu, on bifurque sur
Chambly downtown, il est 21 heures. La journée décline, la soirée commence pour
les joyeux touristes sur les terrasses du bord de la rivière à s’enfiler des
bières et avaler des crèmes glacées, miam miam. Nous fendons l’asphalte pour
retrouver la piste cyclable dans la noirceur la plus totale.
Km
300: Gaby, qui n’a pas emporté de
lumières, Jean, retire lui son brevet, il n’était pas équipé, joue au chien fou
devant le faisceau de ma Cygolite 500 lumens, high intensité. Des fois, je
ralentis et il se retrouve dans l’obscurité complète, je rigole
silencieusement. Les lumières du gruppetto s’agitent dans les bois, telles des
lucioles.
Km
305: Voici Gaétan Boucher et son
ultime ascension du toboggan de l’autoroute. Sindré pulvérise son record de
distance journalière à vélo, il est comblé. Sa plus longue ride était de 220
bornes. Gaby n’a pas arrêté de se plaindre toute la journée et il continue. Mes
pneus Michelin, c’est de la marde, j’explose tout le temps. Mon GPS Garmin 810,
c’est de la marde, le parcours que tu m’as filé Pascal, c’est de la marde, il
me dit de tourner à tous les 300
mètres, MEC va me revoir, c’est sûr. Ma selle Brooks
toute neuve est trop neuve, c’est pas de la marde mais elle n’est pas rodée.
Des fois, il a des paroles positives, Hum, sont bons tes cakes énergétiques, tu
m’enverras la recette ! Un vrai français, celui-là, le pays des jamais contents
! Derniers tours de roues chaotiques sur Lapinière ou on manque de s’enfarger
big time sur une zone de travaux non signalée, ce serait trop bête de se casser
en deux à quelques kilomètres du finish.
Km
312: Fin des haricots à 22h, avec en
prime le feu d’artifice de Loto Québec, c’est l’apothéose. High five pour les 6
amigos du bécyk qui ont collaboré à la réussite de ce brevet pour un temps
total de 16 heures dont 3 heures 30 d’arrêt à presque 25 km/h de moyenne. De
plus, la mission a été menée à bien puisque l’équipe du capitaine de route
Pascal a ramené le cyclo Sindré, ainsi que Martin L qui en était aussi à son
premier 300. Dernier cliché du groupuscule dans le dépanneur, ultime boisson
fraîche pour célébrer cette belle journée et la gang se disperse. Bilan
physique personnel, rien à signaler, aucune douleur nulle part, j’ai toujours
pu fournir la puissance quand c’était nécessaire. J’attribue ça à mon intense
kilométrage accumulé (7000 kilos à date) et ma bonne alimentation en mode
continu, j’avale quelque chose toutes les 30 minutes en moyenne. Retour au
bercail dans mon condo de St Lambert, distant de 3 km, la vie continue. À la
prochaine pour de nouvelles aventures.
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