samedi 15 juillet 2023

Un 300 chaud et costaud dans les Laurentides

 

Prologue


Juillet est le mois après les brevets qualificatifs pour PBP. Il est surtout le mois des vacances. Bon nombre de randonneurs décide de prendre un break et de faire autre chose. Ce qui explique le peu de participant à ce brevet de 300, seulement six inscrits sur la liste de départ.

Seulement 5+1 participants à ce 300 mais ce sont les meilleurs !

Pour ma part, je réponds présent afin de peaufiner ma condition finale en vue de PBP. S'habituer à rester en mode brevet, ne peut-être que bénéfique. Celui-ci est un 2 de 3, après le 200 de la semaine passée, et avant le 400 de la semaine prochaine

Soit dit en passant, ce 400 sera celui du Centenaire de l'ACP. L'organisation profite de l'évènement pour offrir une médaille souvenir à ceux qui le termineront avec succès. Et peut-être un Paris-Brest pour les gourmands ! Alors, venez nombreux. Petit coup de promo en passant.



Samedi 15 juillet - Sur la ligne départ


Rassemblement des unités sur le parking de la gare de Vaudreuil, je suis là de bonne heure, comme à mon habitude. Fred, Olivier, Ralph et Martin H me rejoignent. Nous  nous préparons dans la bonne humeur. 

Arrivée matinale sur site, les maringouins m'attendent

Tous vont participer au PBP, à l'exception de Ralph. Il n'a pu compléter un 600 cette année, à sa grande déception. On jase bien évidemment de notre défi du mois d'août, les derniers conseils sont de mise de la part des vétérans. 

Bleu, rouge, jaune, les couleurs de nos vétérans

Le sixième de la liste est Régis, l'éternel retardataire aux sorties du club. Il me texte pour m'annoncer qu'il sera encore à la bourre. Nous laisserons donc sa carte de brevet sur mon auto. Il commence à avoir l'habitude, le petit vlimeux. Bonne route, Régis !

Le parfait Schtroumpf avec son bike estampillé CVRQ

6h pétantes, on se rassemble autour du kodak. Je prends le selfie des cinq randonneurs, contents d'aller pédaler pour une chaude et longue journée de vélo.

Une longue et chaude journée de plaisir nous attend



Étape 1 - Vaudreuil-Brownsburg, 58 km


Côté météo, peu de vent, pas de pluie, peut-être en fin de journée. Le thermomètre devrait monter autour des 28 degrés, mais pas de chaleur caniculaire annoncée. 

Côté parcours, nous devrions en avoir pour notre argent. Plus de 2000 mètres de D+ sont au programme, ce qui en fait le 300 le plus côteux de la saison 2023.

C'est parti mon kiki ! Nous pédalons pour sortir de Vaudreuil-Dorion, encore endormi à cette heure matinale. 

Le peloton dans Vaudreuil-Dorion assoupi

Nous retrouvons vite la rivière des Outaouais, que nous longeons pour un bout. Le rythme est vif, pour moi. Tout le monde est à l'aise, cependant. Le vent est quasi nul, il aurait même tendance à nous pousser.

Ralph est le local du brevet, il habite tout proche

Fred roule avec nous, il s'arrête toutes les dix bornes, pour laisser son urine dans la nature. Voudrait-il marquer son territoire ?! C'est vrai que c'est son secteur d'entrainement.

 Hudson au petit matin, Fred va et vient au fil de ses pipis

Nous passons Hudson et ses belles demeures. Nous traversons Rigaud, chanson populaire connue. 

J'aime ce genre de cliché en enfilade avec les ombres des vélos

Voici déjà le temps de prendre le traversier à Pointe Fortune, nous emmenant sur la rive d'en face, à Carillon. La croisière est offerte par le club, 5 fois 2$, toute une dépense. 

Y a de la joie sur le traversier de Pointe Fortune

La traversée est rapide Une madame en auto qui n'avait pas de cash, se fait offrir le passage. Sympa, le capitaine du bateau. 

Seulement 10 piasses pour le passage de 5 CVRQ

Sur l'autre bord, une charmante piste cyclable ombragée nous attend. Nous l'empruntons sur 4 km, c'est très agréable. 

Belle piste ombragée déjà roulée lors du OQO 1000 de 2018

Puis les premiers reliefs sont rencontrés. Cela nous met en condition pour la journée. Nous rejoignons sans difficulté le premier checkpoint de Brownsburg, vers 8h15. Au Couche-Tard, pour lève tôt aussi, c'est pause déjeuner et sanitaire. Nous y passons un bon quart d'heure, y pas le feu au bocal. 

Couche-Tard pour Lève-Tôt

Fred fait déjà cavalier seul, en tête des troupes. Martin nous salue, il part sur ses talons. Il veut profiter de ce brevet pour rouler à son rythme en faisant de courtes pauses. C'est une stratégie qu'il veut pratiquer lors du PBP.

Ralph s'enfile déjà une boisson aux électrolytes

En trio, avec Ralph et Olive, nous reclippons à l'assaut du dénivelé de la prochaine étape. 880 mètres de dénivelé positif en 76 km.



Étape 2 - Brownsburg-Amherst, 76 km, total 134 km


Ça redémarre sèchement par l'escalade d'une bonne côtelette à la sortie du bled. Le ton est donné pour les 150 prochains kilomètres. On va s'éclater dans les montagnes russes, youpi !

Pour les dix premiers kilomètres, je m'accroche à mes deux amis. Il y a le Randonneur du Québec, tout de bleu vêtu avec ses fleurs de lys, et le Randonneurs du Canada, en rouge et blanc, avec sa feuille d'érable. L'un est francophone, l'autre est anglophone. Peu importe les différences, nous faisons partie de la même confrérie, celle des passionnés du vélo de randonnée.

Randonneurs du Québec et du Canada, choisis ton camp, camarade !

En pleine ascension, je reçois sur mon Garmin, un texto de Régis. Il a pris le départ en solo à 7h30. Il m'apprend qu'il est bloqué au traversier de Pointe Fortune. Celui-ci est fermé à cause d'un bris mécanique. Pas de chance l'ami, il faut faire un détour de 50 bornes si tu veux continuer la ride officielle. Du coup, il abandonne le brevet et va faire un tour dans le secteur, tant qu'à y être. Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'on roulera ensemble. 

Après cet intermède, nous continuons de monter et descendre à n'en plus finir. Courtes faces de singe et descentes abruptes, défoncées par endroit, se succèdent. J'ai laissé mes compagnons rouler à leur rythme, je préfère mon tempo, plus relax. Pas de stress. Qui veut aller loin, ménage sa monture. Ne jamais rouler en sur régime, on le paye tôt ou tard.

À mi-chemin vers le prochain contrôle, nous nous regroupons à Lost River. Pause dépanneur pour se réhydrater, il commence à faire chaud. Je surveille d'un œil l'ami Ralph, il doit faire attention sur ce point, ayant eu quelques mésaventures lorsque la chaleur s'intensifie. 

Dépanneur paumé à Lost River, tout comme notre Régis, Pomès au traversier

Nous poursuivons dans ce joli coin de nature, assez méconnu pour moi. J'y suis déjà venu dans une autre vie, je n'ai que de vagues souvenirs. Les villages se font rares. Voilà Huberdeau, ou se déroule une manifestation de cyclotouristes. Quelques monts, boisés et lacs sont rencontrés. 

Droit devant, par lacs et par monts

Nous atteignons vers 12h16, le deuxième checkpoint d'Amherst. Nous n'arrêtons pas au casse-croute du lac Rémi, mais plutôt au dépanneur St Rémi. Nous profitons de sa fraicheur, le temps de nos emplettes, salade à l'huile d'olive, sandwich au poulet, arrosé d'une bouteille d'eau pétillante.

Ravito au dép St Rémi d'Amherst

On se remplit la panse, installé à l'ombre, dans la moiteur persistante. Une demi-heure ne sera pas de trop pour récupérer notre dose d'énergie. 

Repas, répit, repos pour les forçats de la route



Étape 3 - Amherst-St André Avellin, 55 km, total 189 km


Nous repartons par la belle 323, bien asphaltée et dotée d'une bande cyclable généreuse. Les côtes sont toujours présentes mais moins sévères en pourcentage, donc plus roulantes. On peut même s'élancer dans la descente pour avaler la bosse suivante.  

La belle 323 est fortement appréciée, répétition aux routes du PBP 

Nous passons le Lac des Plages, notre trio fonctionne à merveille. Le soleil est caché sous une couche de nuages mais la chaleur nous accable quand même. 

Km 157, bifurcation à droite, nous échangeons la 323 par la 315, une belle côtelette se profile à l'horizon. Je m'arrête à l'ombre pour une pause pipi. Ralph fait de même, il est dégouline sous son casque. Il boit pourtant abondamment, en ajoutant des pastilles de sel, pour mieux combattre son récurrent problème de déshydratation. Je constate qu'il a besoin de temps pour récupérer, je l'attends.

Coup de chaleur pour notre Randonneur du Canada

On repart franchir une zone de travaux, Olive nous attend un peu plus loin, inquiet de notre absence. Je lui confie qu'il va falloir surveiller Ralph, en surchauffe. À Cheneville, nous stoppons à l'Ultramar pour une pause crème glacée improvisée. Ça fait toujours du bien de rafraichir nos gosiers assoiffés.

Pause crème glacée bienvenue

Encore vingt bornes jusqu'au prochain contrôle. On va y aller par étape, pour ménager notre équipier en souffrance. Une nouvelle page s'écrit dans la série, il faut sauver le soldat Ryan

C'est maintenant au tour de la route 321 d'être pédalée. Les côtes défilent à nouveau mais devraient bientôt achever, c'est bon pour le moral. 

Nous voilà au 3ème checkpoint de St André Avellin, situé dans un Métro, il est 15h45. Nouveau tour de magasin, pour profiter de la clim et acheter quelques victuailles. Croissant au jambon, grosse salade de fruits, fraises et ananas, le tout arrosé d'un grand litre d'eau gazeuse, ne lésinons pas sur les liquides. 

Encore et toujours s'alimenter et s'hydrater ... à la SAQ

Un bon trente minutes de pause nous fait du bien. Nous nous remettons en selle dans de bonnes conditions. Le niveau d'énergie est remonté d'un cran, espérons qu'il en sera de même pour Ralph.



Étape 4 - St André Avellin-Hawkesbury, 50 km, total 239 km


Encore une quinzaine de bornes de saute colline avant de retrouver le plat pays longeant la rivière des Outaouais. Nous passons devant le parc Oméga, overpassons l'autoroute 50 et dévalons sur Montebello. 

Beaucoup de monde dans ce patelin, motos, trois-roues, auto-campeurs, toute la panoplie des touristes. Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'aller boire une bière ou un café à une terrasse de bistrot. L'heure tourne, il nous reste juste cent bornes, soit cinq heures de vélo. 

Seule photo de Montebello, on est passé trop vite

Ralph retrouve du poil de la bête. Il se met en mode contre-la-montre sur les trente kilomètres menant à Hawkesbury. Olive navigue devant, on essaie de le rejoindre mais sans succès. Pas trop envie de me défoncer la carcasse, tant que les jambes tournent encore bien. 

Jeu du chat et de la souris entre Olive (au loin) et Ralph

C'est plutôt le mal aux fesses qui m'inquiète. Il va falloir que je change mes vieux cuissards Assos, pourtant signe de qualité. Mais après six ans de loyaux services, et des milliers de kilomètres dans le chamois, ils commencent à fatiguer sérieusement. J'ai même un trou d'usure qui est apparu au cours de la randonnée. 

Les bibs Santini sont assez imprévisibles. Des fois, tout va bien, super confortable. D'autres fois, ça va moins bien, des douleurs apparaissent. C'est à n'y rien comprendre. J'en ai acheté un plus petit pour voir si cela pouvait être la cause. Il est vraiment trop petit et me sert le paquet assez fortement. Pas une réussite non plus !

Bref, à force de mouliner sans s'arrêter, deux heures suffisent pour franchir le pont vers l'Ontario. Vers 18h15, nous rejoignons le superbe Burger King d'Hawkesbury, délaissant le Gas King, jugé inhospitalier par les membres du club. 

D'ailleurs, je dirais que la population du village a l'air bizarroïde, pas seulement au roi du Gas. Constat confirmé par Olive, d'après ses propres observations des gens du coin. 

C'est encore une pause pour s'en mettre plein l'estomac. Je vais pourtant y aller mollo dans ce royaume du fast-food. Ce sera juste une poutine avec quatre bâtonnets au fromage, puis deux chaussons aux pommes avec ça. Le tout arrosé d'une boisson en fontaine, trois fois refillée en coke. 

Au roi du burger, Ralph s'empiffre puis rend la marchandise 

Ralph commande tout un stock de cochonnerie, dont un burger qu'il mange à moitié, un milk shake au fraise, assez douteux, et des frites picorées par Olive. Gaby la mouette, nous auraient terminé ça en moins de deux minutes. Pour finir, notre ami en perdition va rendre une partie de son festin aux toilettes. Il n'est vraiment pas en forme, le bougre !

Après cinquante minutes d'arrêt, il est temps de repartir. J'ai pluggé mes instruments sur ma banque USB, pour un refill d'énergie, eux aussi. Dernière étape, last but not least. Retour au point de départ, distant de 69 kilomètres. Il fera nuit dans deux heures. 



Étape 5 - Hawkesbury-Vaudreuil, 69 km, total 308 km


Nous longeons la rivière des Outaouais sur son côté Ontario jusque La Chute à Blondeau. S'est-il fait mal, Blondeau ? Nul ne le sait. Olive reprend le large, on ne roule pas assez vite à son goût. J'enchaine les relais avec Ralph. Il peine dans les petits faux plats du secteur, ce n'est pas normal. 

Je constate à nouveau que notre anglo de St Lazare n'est pas dans son assiette. Passé St Eugène, il s'arrête brusquement sur le bord de la route pour refouler le reste de son souper. Je rejoins Olive pour lui relater le triste spectacle. 

Il va falloir prendre une décision. Ralph hésite entre appeler sa femme pour qu'elle vienne le chercher ou essayer de rapatrier Vaudreuil ou au moins sa demeure de St Lazare, à vélo. 

À la lueur des lampions, va falloir prendre une décision

L'allure a baissé sérieusement. Nous ne voulons pas laisser notre ami malade, en pleine nature, livré à lui-même. Retour au Québec vers St Rédempteur. La nuit nous tombe dessus, comme un cheveu sur la soupe. 

Après un énième vomissement, il dégaine son cellulaire et demande à son épouse de le rapatrier. À l'arrêt en pleine cambrousse, on se fait bouffer par les maringouins, très avides de globules rouges, à cette heure de la journée. 

À 25 bornes du but, Ralph stoppe la machine, épuisé

Nous laissons notre ami, avec tristesse, dans la côte du chemin St Henri. Son taxi devrait arriver d'un instant à l'autre. Bonne récupération Ralphie. Mieux vaux s'arrêter et ne pas se mettre en situation dangereuse. Surtout de nuit, alors qu'il reste encore une ou deux côtelettes à gravir. Mon Garmin dépasse d'ailleurs les 2300 mètres de D+, une bonne journée au boulot.

En duo maintenant, Olive ne demande pas son reste, quand je lui conseille de ne pas m'attendre et d'y aller à son rythme. L'abrupt raidillon de la 201 est franchi, je dévale dans le riche village de St Lazare. J'aime rouler de nuit, la route éclairée par le faisceau de ma lampe. 

Pour terminer en beauté, je traverse une zone de déconstruction de la route. Les roches acérées s'écrasent contre mes pneus. Ne pas crever, s'il vous plait, ça ne me dit rien de réparer à quatre bornes du but. 

Enfin, Vaudreuil et les lumières des autoroutes sont en vue. J'en finis pour 22h45, rejoignant le Couche Tard, celui ou j'avais acheté un café-croissant ce matin vers 5h30. Olive m'attend bien sagement, il est arrivé quelques minutes auparavant.

Notre chouette favorite jette un œil sur Olive




Épilogue


Ouf, nous sommes contents de mettre un terme à ce brevet. Ce fut long, surtout sur la fin. Notre instinct de sauveteur a été le plus fort. Captain Audax et Captain Olive ont escorté et supporté notre compagnon Ralph. Celui-ci est allé au bout de sa souffrance. Il a su prendre la sage décision d'arrêter le brevet, et aussi son calvaire. 

Captain Audax et Captain Olive ont accompli leur mission

Les brevets, il y en aura plein d'autres pour pousser son organisme dans ses limites. La santé, nous n'en avons qu'une, il vaut mieux la préserver. Surtout à nos âges, celle-ci peut vaciller à tout moment. La vie est une loterie, mieux vaut avoir tirer le bon numéro !

Pointage final et achat d'un Perrier bien frais, en guise de récompense. Nous retournons au parking pour ranger les bécanes dans nos chars. Olivier veut faire un somme dans son auto avant de repartir vers la métropole, ayant très mal dormi la nuit précédente. Excellente décision également. 

De mon côté, tout va bien. Le corps a bien répondu à ce difficile brevet de 300 bornes. Tous les voyants sont au vert pour réaliser mon troisième brevet, à la suite et avec difficulté crescendo. Ce sera le 400 Centenaire, il y aura plus de monde, ce sera la fête des brevets. 


Une autre aventure humaine va s'écrire, avec ses hauts, avec ses bas. 

C'est mon destin de randonneur. 

C'est ma vie. Je l'aime ainsi.


Vive le CVRQ. 


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