samedi 27 juin 2015

Chronique d'un abandon programmé

Samedi 3h31 du matin, message FB de Marie-Claude:
Coucou Pascal, cherche nous pas, on call off. Trop la chienne de la météo de dimanche. Y'a des limites à en chier. Bonne route, on pense à toi.

Ben là ! Rien de tel pour m'encourager juste avant mon départ pour le 2éme brevet de 600 du CVRM prévu à mon agenda. Déjà que j'ai checké la météo toute la semaine en espérant une amélioration de dernière minute. Et je la rechecke, 2 secondes plus tôt. Le samedi est impeccable, belle journée côté température malgré un vent d'est légèrement défavorable. Mais pour le dimanche, c'est l'apocalypse annoncée, des trombes d'eau dès 2h du matin à partir de Mégantic et sans discontinuer pendant toute la journée. Dans ma tête, je me projette à ce fameux dimanche, sortant du motel Quiet à moitié endormi, congelé par une pluie froide et incessante jusqu'à la fin du brevet. En plus, la pluie de nuit avec la série de côtelettes et de descentes dangereuses attend mon passage pour bien me faire douter et me poser la sempiternelle question, mais pourquoi fais-tu ça, mon mongol préféré ?


4h15, le temps s'écoule rapidement, il me faut prendre une décision, y vais-je ou pas ? J'ai bien envie de choker et d'aller me recoucher. J'ai beau me dire que ce serait un bon entrainement pour PBP, mais je me dis aussi qu'aujourdhui, j'ai le choix de ne pas y aller, sans contrainte, surtout que j'ai déjà mon sésame obtenu lors du premier 600. Pour le moment, j'avale mon café, je mange machinalement mes tartines Nutella et ma banane coupée en rondelles, je suis dans les starting blocks. Alors à quoi bon reculer et regretter par la suite ? Tant qu'à faire, puisqu'il va faire beau ce samedi, je décide de me rendre au départ, pour au moins constater si d'autres randonneurs ont eu la même trouille. 



Arrivé au stationnement de la voie maritime, à mon grand étonnement, tous les inscrits sont là, sauf Yves et MC qui ont prévenu Jean la veille. Quelle bande d'inconscients, me dis-je, ou est-ce moi qui panique à tort ? Il va faire une belle journée, la plus belle de l'été, lance Yvon Clément. Oui, mais demain ? lui rétorqué-je. 




Je salue ici toute la gang qui mérite d'être citée au champ d'honneur. Il y a Fred, plus motivé que jamais à battre son record, à la vitesse qu'il va, il est confiant, peut-être trop, d'arriver avant le grand déluge. La famille Jacob et Yvon Clément, les cyclos de St Jean, Michel et France, Sylvain Narbonne, prêt à en découdre depuis plus d'une semaine sur FB, Martin Bergeron qui vient faire un 600 sans entrainement, Olivier C, sans son ombre Ralph, en défaut d'air-lousse, Nathaniel le zig-zagueur ricain, Martin Lemay et ses pneus de 28, enfin l'inévitable et l'infatigab Gaby. Quant à Alain Cuillerier et son bolide rouge, il est venu juste pour faire le 400 et rentrer ce soir, peut-être qu'il avait checké la météo. 



J'ai beau rappeler le bulletin météo exécrable, tout le monde semble s'en foutre. Bah, on appellera le CAA pour nous rapatrier, lâchent Oliver et Gaby. Bravo les gars, bel optimisme ! Quant à moi, no way ! Ma décision est prise, pas question de prendre des risques ce dimanche entre Mégantic et Cookshire. Sans compter la pluie à se farcir toute la journée, même si le vent devrait nous pousser pour le retour. Étant le moins rapide du peloton et n'ayant pas envie de dormir à Lennoxville mais à Mégantic, je suis assuré d'en prendre pour mon grade. Il pleuvra, il mouillera, ce sera la fête à la grenouille !!!

J'annonce mes intentions à Jean, lui parlant d'un probable abandon pour cause de chienne de la météo. Mais j'ai encore un peu de temps pour y réfléchir, au moins en pédalant jusque Waterloo, lieu de mes déconfitures habituelles. Photo de départ, et hop c'est parti, Fred rappelant à Jean qu'il est 5h02 et que pour battre un record à la minute près, c'est gênant ;-)


Au bout de Victoria, nous ne sommes plus que 3 en queue du peloton, Martin L, Gaby et moi. Je trouve que ça va bien vite à mon goût, on est parti sur une moyenne de 28 pour St Césaire avec un vent légèrement contraire. Aurais-je moins de puissance que d'habitude ou serait-ce ma nouvelle sacoche de tube horizontal Tangle Bag de Revelate Design qui offrirait une résistance supplémentaire ? J'ai l'impression que mon vélo est un char d'assaut avec les 3 sacoches remplies et harnachées à mon cadre, mon vélo devant faire un poids de 20 kilos, je rêve d'un bécyk poids plume entre mes jambes. Je m'accroche jusqu'au bout de Grande Ligne, km 22, puis je les laisse filer. Me voilà bon dernier avec un moral de 600 dans les chaussettes. 




Dans ces conditions, ma réflexion tourne vite court, je vais bifurquer sur le parcours, ma seule incertitude est à quel endroit, St Césaire, Waterloo, Magog ? Il fait pourtant vraiment bon à rouler que je me dis en voyant des montgolfières dans le ciel, sans hallucination et sans jeu de mots. Tant qu'à être sur mon vélo de bon matin, je prévois tout de même de faire un gros 200 bornes. Je pourrais ainsi rentrer pas trop tard et profiter de ma soirée en bonne compagnie avec ma cocoon adorée. Du coup, j'échange quelques textos avec Marielle qui se prépare à faire un tour dans les environs de Deux Montagnes pour entretenir sa forme olympique de grimpeuse de côtes. 





J'arrive à St Césaire, je rejoins Martin et Gaby qui ont trouvé le moyen de s'égarer sur le parcours. Rien ne sert de courir, il suffit de savoir lire un GPS. Je leur confirme mon intention d'abandonner mais je fais néanmoins signer ma carte de route, sait-on jamais ? Mes compagnons repartent, je les suis quelques minutes plus tard. J'apprécie la piste cyclable sans plus aucun stress de vérifier le chrono et de contrôler mon allure. Ma balade de cyclotouriste a débuté. Voilà Granby ou je me mets en court car ça commence à chauffer. 



Puis je poursuis ma route jusqu'au dépanneur de Waterloo, point de contrôle du 400. C'est à cet endroit, km 105, que l'abandon est consommé. Je manque de peu le retour de Martin Bergeron ayant fait demi tour à Eastman, pour cause de mal de tête.  





Un sandwich, un Perrier, un texto et je prends la 243 Sud, fraîchement refaite, un vrai délice, qui longe le Lac de Brôme et me ramène à Knowlton.




Me revoilà sur le parcours du 600 mais dans le sens retour. En général, j'arrive à cet endroit, largement fourbu, affamé et déshydraté. Aujourd'hui, étonnamment, j'ai une frite du tonnerre, programmé pour un 600 alors que je vais juste en faire le tiers, une plaisanterie ! Pointe de vitesse jusque Cowansville, le vent est maintenant dans mon dos, je rigole. Pause Subway.




Puis retour par St Césaire, arrêt au Tim par pure habitude. 




Pas de boucle inutile vers le rang du Vide et full pin jusque St Lambert, vent arrière, ça roule aux toasts. J'arrive chez moi vers 16h avec 222 bornes au Garmin. 



Texto à Marielle qui rentre de son périple, c'est confirmé, on passera la soirée ensemble. Fin de 600 impromptu, merci miss météo. Je dormirai ce soir dans un bon lit avec une grasse matinée à la clé. Faut savoir prendre les choses du bon côté !

La suite des événements me donnera raison. La météo aura bien été pourrie pour ce dimanche gris voire noir. Quelques messages échangés avec Fred et Gaby sur la route, me confirmeront que ce 600 a été très dur et bien éprouvant aussi bien à l'aller qu'au retour. 

Pour parfaire ma condition et combler les 400 km manquants à mon plan d'entrainement, je m'offrirai certainement le 300 de la semaine prochaine en guise de représailles. À moins que la météo ne s'y mêle encore ...

samedi 13 juin 2015

À la poursuite du Saint Graal ... dernière qualif pour PBP !



Prologue

C'est la dernière épreuve pour obtenir notre laisser-passer pour PBP 2015. Oh bien sûr, il y aura une 2ème chance dans 2 semaines mais tous ceux qui ambitionnent d'aller faire un tour en France en Août prochain se sont présentés au RV. Nous voilà donc 26 mongol(e)s prêts à en découdre pour cette méchante ride de 600 bornes qui va durer 1 ou 2 jours d'effort selon les performance de chacun.  

Jour J, heure H, nous voilà donc partis à la poursuite du Saint Graal !














Chapitre 1

29 de moyenne pour débuter un 600

(St Lambert - St Césaire km 55 à 7h00)

La météo annoncée est super clémente, vent faible d'ouest à l'aller, vent faible de nord - nord-est au retour, aucune précipitation, température normale pour la saison. Autant dire qu'on va bâcler ça royalement, les doigts dans le nez, les oreilles dans le plâtre, les doigts de pied en éventail !!! Le départ de 5h02 se fait groupé, mis à part quelques bolides à l'avant qui n'apparaissent dans mes récits qu'à cet endroit. Ciao-bye amis Perman, Marion 1 et 2. Ça papote dans le peloton d'une vingtaine d'unités, ça parle de vélos, de PBP, des misères des derniers brevets, étonnant non ! On ressent un peu de fébrilité, de la concentration, le souci de revenir à notre point de départ sans anicroche. Et surtout de rentrer dans les délais qui sont de 40 heures, pas une minute de plus cette fois-ci car le parcours fait 600 km tout rond. 

Nous connaissons la route par coeur jusque Richelieu car maintes fois roulée sur les 300, 400 et bien sûr le 600. La moyenne monte doucement mais sûrement à mesure qu'on s'éloigne de la banlieue. Avec ce zéphyr favorable quoique faible, mon Garmin affiche presque le 29 de moyenne et s'y tiendra jusqu'au contrôle. Un peu de route défoncée, un peu de garnotte et nous voici déjà à St Césaire, moins de 2 heures après notre départ.

Chapitre 2

Le Mont Orford en apéro

(St Césaire - Magog km 143 à 11h30)

Le gros du peloton est vite reparti après le check point, on dirait que le mot d'ordre est donné, arrêt minimum au contrôle tant qu'on a la frite, mais ça ne durera pas. J'ai juste le temps de m'enfiler un Perrier, de retirer mon chandail long car j'ai trop chaud, que nous nous retrouvons à 2 avec Benoit de Québec. Il restera mon fidèle compagnon pour tout le brevet. Gaby aurait dit mon fidèle écuyer comme dans les Visiteurs, un de ses films fétiches et comme dans son premier et dernier récit du 400 de la semaine passée. 

Bon Ben, nous voilà déjà en duo mais nous ne sommes pas les derniers. Il me semble qu'il reste derrière Jean et Gaby le sus-nommé qui en est à son premier flat du brevet, faut pas changer les habitudes, quelle poisse ce Gaby. Sur la piste cyclable proche de St Paul d'Abbotsford, nous rejoignons Yves et MC partis un peu avant nous. Nous roulons ensemble jusque Gramby, pas d'arrêt cette fois-ci, faut engranger les kilomètres prestement. Les premiers reliefs commencent à poindre, mes 3 compagnons me distancent car je ne force pas, LSD que je me dis. Qui veut aller loin, ménage sa monture et surtout ses biscottos, ses muscles en bon françois. Y a aussi, rira bien qui rira le dernier, des proverbes à 2 sous, j'en ai plein ma sacoche, c'est pour ça qu'elle est si lourde. 

Peu avant Waterloo, nous perdons Y-MC de nos rétroviseurs pour arrêt inconnu. Peu après Waterloo, ils nous repassent devant ainsi que Jean et Gaby car nous avons stoppé au dépanneur du 400. J'apprécie les toilettes de la tite dame asiatique. Et un autre Perrier derrière la cravate. Puis c'est la boucle du Mont Orford que nous nous offrons en apéro, histoire de s'ouvrir l'appétit. Nous revoyons Gab ahanant dans la montée de la station de ski. Il est juste à 100 mètres, nous le touchons presque du doigt. S'en suit l'énivrante descente sur Magog, et qui dit descente, dit Gaby bolide. Il est intouchable alors nous attendons la prochaine bosse pour le griller peu avant la cité balnéaire. Je lui dis qu'on s'arrête au Subway pour casser la croûte. Bon chien-chien Gaby reste gentiment dans ma roue car il ne connait pas son emplacement ! À 200 mètres du Sub, nous grillons également Yves et MC, ce qui me permet de m'engouffrer en tête pour passer ma commande, yeah !

Chapitre 3

Rabais de 5 km offert par Miss Météo

(Magog - Cookshire km 229 à 15h15)

Après le repas, repus et reposés, nous repartons. Et bien oui, on va pas dormir là. Nous entamons les choses sérieuses maintenant, nous sommes 5, Ben, Gab, Yves, MC et moi, puis rejoignons Uriah à Ayers Cliff. 2ème incident pour Gab, son phare avant allemand se desserre et il a besoin d'une clé tork, désolé mais je n'ai pas cela. C'est Uriah qui joue le bon samaritain. Avec Gaby, aventure garantie. La température s'intensifie, ça chauffe sur les cocos en montant côte après côte et ce n'est qu'un début. Massawippi, Hatley par la route 208, celle qui était critique à cause des fortes pluies et des inondations de cette semaine. Dans le bas de Compton, il y a encore des champs inondés et par chance, la route surnage par dessus ! C'est à cet endroit que j'établis ma pointe de vitesse maxi, presque 76 km-h. 

Arrêt contrôle à Compton, nous y retrouvons Jean et Nathaniel, nous nous rassasions à l'ombre sur les tables. Des bouteilles d'eau, à moitié pleine ou à moitié vide selon l'humeur, laissées par les précédents randonneurs, s'entassent. MC-Y vont pointer et bouloter un peu plus loin, ils nous snobent les bougres. Jean nous raconte l'épisode de sa chaussure à la sangle brisée réparée grâce à l'ingéniosité québécoise, Das Tie-rap. Mais le mal est fait, il a une jambe de maganée pour avoir trop tiré dessus. À la fin de l'histoire, Jean et Nat décampent alors que Gaby et Uriah surgissent, c'est un chassé-croisé de cyclos. J'ai remarqué que ça roulait beaucoup en binôme, à deux c'est ce qu'il y a de mieux. Au delà, la zizanie pogne !







C'est donc à 2 que nous poursuivons notre chemin qui ne passe pas cette année par Martinville, route barrée car effondrée. Cela nous sauve ainsi 5 kilomètres et une bonne côte à la sortie du bled, merci Miss Météo. Nous retrouvons notre couple dans une énième bosse, nous roulons quelques kms ensemble puis MC s'arrête pour besoin naturel à Ste Edwige. Nous ne nous recroiserons qu'au motel de Mégantic. S'en suit une belle bosse de 3 km qui rattrape la 253 Nord et nous amène à Cookshire en jouant à saute-moutons. Nous jetons notre dévolu sur le Subway climatisé et désert donc pour nous tout seul. Plein de fuel, post sur Facebook, texto à Marielle. Ma cocoon s'en va faire la Cyclo San Donato demain sur la route du Nordet, de la bosse à haute intensité comme elle aime, elle va s'éclater la belle chanceuse !

Chapitre 4

Quelques côtelettes avant le dodo

(Cookshire - Lac-Mégantic km 323 à 21h15)

Pour nous, ce ne sera pas la San Donato mais le toboggan de la route des sommets, la numérotée 212 toute droite dans l'axe ouest-est, défiant le relief, digne des chaussées romaines. Nous voyons partir dans ce parc de jeu, Jean et Nathaniel suivis par Gaby mais pas de Yves et MC, sûrement en pause à l'IGA. 

Ben et moi nous mettons chacun dans notre bulle, il prend les devants. J'apprécie ma musique à sa juste valeur, je rentre en communion avec mon être, le corps dédié à l'effort, la tête dans les nuages, je suis bien. Une sorte de méditation pleine conscience m'envahit au fil des montées et des descentes, tout est parfait. Même ma selle ne me fait pas souffrir, une chance que j'ai récupéré mon ancienne Brooks la veille du brevet, réparée par un Yéti. Je l'ai réinstallée vite fait bien fait, et ce fut un bon coup. Il est trop cool mon hamac, comme je l'appelle, en constatant sa forme bien incurvée ! 


En arrivant sur la Patrie, on aperçoit Gaby, alors Ben fait la jonction avec lui. Je les garde en point de mire jusque Notre Dame des Bois ou je grille enfin mon calinours préféré qui étraine sa nouvelle cassette de 30 dents. Pause dépanneur, crème glacée, Perrier et reste d'un croissant au jambon. Nous nous délectons de la vision de Nathaniel arrivant en zig-zag dans le gros pourcentage. Il est 19h30, d'après mes calculs nous arriverons à la tombée de la nuit à Mégantic. La fraicheur du soir nous surprend, je me rhabille plus chaudement pour être confortable dans les descentes rapides. 

Départ des 4 gars motivés pour les ultimes grimpettes du parc national, quand y en a plus, y en a encore. Nous lâchons logiquement les 2 poids lourds dans ces dernières côtelettes avant le dodo. Enfin nous dévalons sur Woburn, pas d'arrêt loupiotes, nous sommes déjà parés. Gaby en a profité pour nous rattraper et nous dépasser à une allure soutenue. Ben lui emboite le pas, je traine derrière, pas envie de me défoncer. 

Je profite du paysage, je prends quelques photos du coucher de soleil sur le lac Mégantic, le ciel est magnifique, quelle quiétude. Je pluggue mon iPhone en manque de jus sur mon Bolt pour continuer de me faire bercer par ma musique et envoyer des signaux GPS pour mon tracking. 




Enfin Mégantic et son dédale de nouvelles rues, conséquence du centre ville ravagé par la catastrophe ferroviaire de 2013, je file jusqu'au contrôle du Tim, il est 21h15. Je croise Jean sur le point de repartir. Tu as perdu ta gang ? me lance-t-il. En effet, Gab et Ben arrivent quelques minutes plus tard, perdus dans le labyrinthe de la cité lacustre. Apparemment Gaby a toujours du mal avec son Garmin, va falloir qu'il s'offre une formation GPS 101. C'est pourtant pas compliqué de suivre un trait de couleur sur un écran, me semble. Je dévalise le Tim, gros sac garni de victuailles pour le souper et le déjeuner demain matin puis je fonce au motel distant de 500 mètres. 

Chambre 30 du Quiet, Gab me rejoint quelques minutes plus tard. Ben a réussi à avoir une chambre, une chance que le motel n'est pas plein. Et le chanceux va dormir solo, pour nous ce sera en duo dans un seul paddock. Douche, repas récupérateur et zou au lit, une serviette autour de la taille, j'ai oublié de prendre mes bobettes. 

Excités comme des puces, pas à cause de nos corps nus mais plus certainement à cause des boissons trop énergisantes bues dans la journée, nous avons du mal à nous assoupir durant ces 4 heures de repos. J'essaie de faire le vide pour basculer dans les bras de Morphée mais rien à faire. Un refrain trotte dans ma tête. Oh Gaby, Gaby, tu devrais pas m'laisser la nuit, j'peux pas dormir, j'fais qu'des conneries. Oh Gaby, Gaby !!! Merci Alain Bashung. En tout cas, cette stupide insomnie va sûrement me rattraper plus tard !


Chapitre 5

Fait noir, fait frette, faut pas niaiser

(Lac-Mégantic - Lennoxville km 414 à 7h15)

2h20, nos 2 iPhones sonnent à l'unisson mais avec des musiques différentes, quelle précision suisse. Déjeuner rapide avec café, merci Gaby mon fidèle écuyer, habillement des preux chevaliers, équipement des destriers. Ben nous rejoint pour 3h, le timing est respecté. Il nous dit avoir vu repartir Yves et MC quelques minutes plus tôt, les petits vlimeux.





Nous partons à leur poursuite le couteau entre les dents. Nous fendons la nuit noire, fait frette et faut pas niaiser, l'objectif étant d'arriver à Lennoxville avant 8h30. Malgré notre allure rapide, il nous faudra presque 30 km pour rattraper nos 2 échappés à la faveur d'un arrêt, ils n'ont pas chômé les bougres. Le thermomètre plonge a 2 degrés dans les descentes, mieux vaut être bien couverts, ça caille ! Stop a Scotstown pour un petit refill déjeuner. Nous ne voyons pas passer nos 2 poursuivants, z'ont du aussi faire une pause. Nous ne les reverrons plus de la ride sauf Gaby dans le chemin des Pères.




Le festival des bosses se poursuit, nous perdons Gab, comme d'hab j'ai envie de dire, et ben je le dis ! Notre duo avec Ben fonctionne à merveille, ensemble comme un seul homme. Le soleil se lève sur Bury, la jonction avec la 108 nous ramène à Cookshire-Eaton. J'aperçois un gars zig-zagant dans le raidillon du village encore endormi, vous m'avez compris, c'est bien lui, notre Nathaniel, il est fou ce romain. Il va se casser une tite graine au dépanneur. Nous continuons la 108 nous conduisant drette sur Lennoxville. Vers 7h, nous passons devant l'Université Bishop, nous pensons aux copains qui ont dormi après 420 bornes. Je préfère de loin dormir à Mégantic, c'est beaucoup moins crevant mais plus stressant pour l'horaire. D'ailleurs nous saluons Olivier C, Ralph et Trevor qui remettent en route. 

Contrôle au Esso-Tim ou nous reprenons notre déjeuner car il est trop tôt pour le Subway qui n'ouvre qu'à 8h. Crotte !!! Nous nous installons sur le trottoir avec un bon café, un sandwich, un yogourt ... et des crottes de fromage. Gatsby le magnifique arrive un quart d'heure plus tard. 


Chapitre 6

Carbonisé dans la fournaise

(Lennoxville - Cowansville km 512 à 13h30)

On s'est déshabillé avant de repartir de Lennox, une bonne côte de 3 bornes nous remet à bonne température. Puis c'est le radio guidage par GPS car Jeannot s'en est donné à cœur joie pour tracer le parcours. Ça ne m'étonnerait pas que certains se soient égarés et pestés dans cette suite interminable de carrefours, comme ce fut le cas des Clément, l'année passée. Enfin un peu de plat en arrivant à Magog, ça nous permet de pousser la machine, d'autant que le vent de nord - nord-est est présent au RV donc favorable. 

Nous retrouvons le même Subway de la veille, il n'a pas bougé et nous y recassons la croûte. Y a pas le feu au bocal, nous sommes dans les temps, si près du lac. M'écrire si vous ne l'avez pas catchée celle-là. Pas de trace de Gaby mais il m'envoie un texto pour me dire qu'il ne retrouve pas le fameux Subway. Même qu'il s'est fait enfirouaper en demandant son chemin, mais bon sang, t'as un GPS ! Anecdotiquement, il m'envoie aussi une photo du clou coupable de sa 2éme crevaison, encore une bad luck pour notre lucky Gab.



Trèfle de plaisanterie, il nous faut à présent s'extirper de Magog par la côte, plutôt le mur de Southières, je pense la plus pentue avec la montée de NDDB (NDLR, Notre Dame Des Boires). Short but sweet comme dirait l'autre, qui déjà ? Le chemin des Pères s'en suit, belle vue sur le lac Memphrémagog et les jolies cyclotes sillonnant le secteur fort achalandé. Succession de côtelettes en tout genre jusqu'à Austin puis Bolton Center, et comme toujours, nous sommes carbonisés dans cette fournaise. Le thermomètre du Garmin m'indique un maxi de 37 degrés, pas pire après les 2 degrés de cette nuit, Québec, pays des contrastes. Enfin le relief va se calmer mais la 243 passagère et mal pavée finit par nous déshydrater. Un arrêt au dépanneur de Knowlton est le bienvenu, vite une autre crème glacée dans le gosier. Dernier rush sur la 104 a bonne allure pour en finir avec Cowan cette barbare et l'avant dernier contrôle. 


2 heures avant l'heure limite, pas de panique, tout va bien. Dépêchez-vous ceusse qui sont encore derrière, les minutes s'allongent dangereusement. Yogourt, croissant au jambon, thé glacé aux agrumes, oh l'espace cellier! et un cappucino glacé, oups petite erreur ! Bien pour la dose de caféine mais mauvaise idée pour la glace qui me gèle le cerveau. Nous voyons Bernard pointer le bout de son nez. Il dit en avoir bavé dans les côtes, ah bon, y en a par icitte ? Il pointe donc et repart aussi vite qu'il est arrivé. Faut dire qu'il sortait d'une sieste réparatrice d'une heure dans l'herbe accueillante, peut être à méditer. Au tour de Gaby de se pointer, il nous raconte ses misères habituelles. Mais désolé Man, on doit y aller. 


Chapitre 7

Je cogne des clous sur mon biclou

(Cowansville- St Lambert km 600 à 18h49)

C'est reparti sur la 104 jusque Farnham, vent moins favorable, faut davantage pousser sur les pédales. Quelques relais en duo, les miens sont moins appuyés car je commence à cogner des clous sur mon biclou, le manque de sommeil m'a rattrapé. Il me faut faire des efforts pour garder les yeux ouverts, peut-être y arriverai-je avec des allumettes, des cure-dents ou pourquoi pas Das Tie-rap ! Mais pas question de m'arrêter et de m'assoupir. Sur le chemin de Yamaska, un cyclo nous rattrape, sûrement Gaby, mais non, c'est Bernard. Il a encore dû roupiller quelque part celui-là ! Apparemment il n'a plus sommeil car il nous largue sans problème. Ben me parle de temps en temps pour savoir si je ne me suis pas endormi sur mon vélo. Pas de problème, j'en ai vu d'autre, ça va passer. 

Vite, St Césaire et son Sub pour m'énergiser. Le temps de commander et s'attabler que revoilà Gaby, toujours le même pattern. Revigoré et réveillé, on repart sans lui. Un petit détour par le golf de St Césaire, quelques bords pour rejoindre Marieville et voici la 112 achalandée en cette fin de week-end. Ça va mieux pour moi, la fatigue s'éloigne et on élève la moyenne. Je propose à Ben un dernier arrêt magnum classique à Chambly qu'il accepte sans broncher.



Assis sur le trottoir à suçoter nos esquimaux, nous regardons passer béatement Gaby. Shit, il va finir avant nous, l'animal. Pas grave, nous sommes largement dans les délais et je calcule qu'on peut arriver avant 19h. À St Hubert, je prends les commandes et accélère la cadence, les nombreuses lumières m'énarvent. Une bonne musique entre les oreilles (Incubus-The company of wolves) me booste d'aplomb pour pédaler comme un fou sur Boucher, Milan, Lapinière et Victoria, nous touchons au but.


Épilogue

Presque pas mal nulle part, les jambes tournent sans douleur, très peu d'inconfort pour les fesses, merci old Brooks. Serai-je capable d'enchainer un 2éme 600, ça reste à voir. Honnêtement je pense que le corps est capable, il suffit de programmer le cerveau sur 1200 km et roule ma poule, la répartition de l'effort s'établit en conséquence !

Dernière signature sur notre précieux carnet de route à 18h49. High-five et embrassade avec mon pote Ben, je pense même pas à immortaliser l'instant dans l'euphorie. Ce sera pour la prochaine fois. Lui rejoint la voie maritime, moi mon condo pour boucler les 600 bornes à 23 de moyenne, pas pire pour ma modeste carcasse, meilleure perf sur la distance. Je suis chaud pour l'autre 600 dans 2 semaines, même pas peur, même plus sommeil ! Quelle belle machine que le corps humain ! Yeah, nous avons obtenu notre laisser-passer, notre Saint Graal pour Paris-Brest-Paris Randonneur 2015. Reste plus qu'à le terminer. Mais ça, c'est une autre histoire ...

Nous apprendrons par la suite que Yves et MC ont fini dans les délais, nous avions tous prié pour qu'ils réussissent cette étape obligée après tant d'entrainement, de courage et de détermination. Good job les amis !

Quant à notre Gaby national, quasi héros de ce récit, il a terminé juste 8 minutes avant notre duo. Morale de l'histoire, rien ne sert de dormir, il faut partir à poil !!! 

Et un dernier couplet pour la route : Oh Gaby, Gaby! A quoi ça sert la frite si t'as pas les moules, ça sert a quoi l'cochonnet si t'as pas les boules, Ho, Ho, Ho ;-)))