samedi 6 août 2022

Un 300 très très très chaud pour 3 amigos

 

Introduction

C'est le dernier brevet d'une longue série ayant commencé fin Avril, lorsque la neige terminait de fondre encore sur les routes du Québec. Après ce 300, il y aura un break de quatre semaines, avant de reprendre pour une dernière salve de randonnées. Ces ultimes rides seront l'occasion de se retrouver, après une palpitante première saison du CVRQ. Durant l'été, certains d'entre nous auront posé leurs roues dans d'autres pays, pour partager notre passion commune de la longue distance. 

Pour le moment présent, il est l'heure de penser à l'organisation de ce brevet. À cause des vacances et des membres éparpillés de l'autre côté de l'Atlantique, nous ne serons que 3 amigos du bécyk à y participer. Parfois, la qualité peut être bien meilleure que la quantité ! C'est ce que nous verrons ce samedi.

Un, Dos, Tres ! Quantité ou Qualité ?


Samedi 6 Août - Voie maritime de St Lambert

Pédalée matinale et arrivée sur le stationnement de la VM vers 5h30. Mes deux amis randonneurs inscrits sont déjà là, impatients d'en découdre avec les 300 bornes, en cette très chaude journée annoncée. 

Ce matin, ce n'est pas moi le premier

Le décompte est vite fait. Il y a Marc L, un excellent rouleur de Québec. Il vient de temps en temps, nous faire un petit coucou à Montréal, surtout lorsque les parcours lui plaisent. 

Marc est venu de Québec, spécialement pour ce 300

Puis, je rencontre Victor B pour la première fois. Nous nous sommes échangés quelques courriels au sujet du déroulement des évènements du club. C'est un frenchy venu visiter la Belle Province, attiré par un de nos BRM qualificatifs en sol canadien, en vue du fameux Paris-Brest-Paris 2023, bien sûr ! 

Victor est venu de France, il en profite pour rouler ce BRM 300

Par ajouter une difficulté à son défi, il veut exécuter la ride en vélo single speed, c'est à dire avec une seule vitesse, son bécyk n'ayant ni cassette, ni dérailleur arrière. Je le préviens qu'il y a quelques bonnes côtes sur le parcours. Il m'assure qu'il devrait y arriver, s'étant entrainé à plusieurs reprises dans la CH du Mont Royal. 

Peu avant l'heure fatidique, je brosse le portrait de ce 300 Jean Robert, en précisant les lieux de contrôles et les points de signatures. Puis, c'est la traditionnelle photo d'avant départ. Nous la prenons en égo portrait, mes deux amigos m'entourant de chaque côté. 


Étape 1, de St Lambert à St Césaire, 48 km

Pour 6h pétantes, nous clippons, clic et clac. C'est parti mon kiki. J'ai conseillé à mes deux acolytes de prendre cela relax jusqu'au premier contrôle, afin que nous puissions discutailler quelque peu. Victor roule à côte de moi et joue le jeu. En revanche, Marc semble avoir des fourmis dans les jambes. Il file à une allure que je ne peux suivre pour jaser. Aussi, nous le laissons partir en éclaireur. Je ne le reverrai plus de la journée.

Entre français, la discussion va bon train. Victor est curieux d'en apprendre sur mon expérience de vie au Québec. Lui et sa copine, aussi présente à Montréal, pensent sérieusement à venir s'installer. J'en apprends davantage aussi sur lui. C'est un parisien qui s'entrainent sur deux roues souvent au bois de Boulogne, et sur le célèbre polygone du bois de Vincennes. C'est un coursier à vélo, le genre de gars qui aime rouler sur des single speed, effectivement, n'est-ce pas Mike Ghenu !

Le coursier photographe, photographié

Après 3 kilomètres, nous quittons déjà Victoria pour pour prendre Churchill, rattrapant la piste cyclable de Chambly. Ça change radicalement du trop connu départ par Lapinière, Grande Allée, Grande Ligne et sa route pourrie. Je me suis bien amusé à remodeler ce 300 Jean Robert, en changeant certaines routes par celles que j'apprécie particulièrement. Bien sûr, la piste de Chambly est la préférée de mes parcours d'entrainement. 

Papotage entre frenchies

Je fais donc découvrir à mon hôte, les délices de cette voie interdite aux autos. Elle chemine dans les bois, recyclant une ancienne track de chemin de fer. Un nouveau tronçon a d'ailleurs été inauguré il y a moins d'un an. Nous n'hésitons pas à l'emprunter pour les nouveaux brevets du CVRQ. 

Km 21, nous rejoignons Chambly à une moyenne honorable de 26 à l'heure. Emporté par le flot de la discussion, j'oublie de regarder mon GPS. Celui-ci me demande de prendre la 112 pour quelques centaines de mètres, afin d'éviter une zone de travaux. Au lieu de cela, nous fonçons directement dans les cônes oranges, nous obligeant à marcher dans les passages à grosse roche. Comme nous sommes à l'arrêt, une pause pipi s'improvise. 

Chambly est toujours en travaux 

Nous poursuivons par le port avec vue sur le fort. La beauté du site me force à prendre quelques clichés, en bon cyclotouriste que je suis. 

Une belle journée de farniente en Montérégie

Puis nous traversons la rivière Richelieu pour pédaler en direction de Marieville, nous ne tardons pas à rattraper la Route des Champs. Je préviens Victor que nous allons la suivre jusque Granby et au delà. Ensuite, ce sera l'Estriade jusque Bromont. Pas mal bucolique, le début de notre 300, n'est-ce pas ! 

Cool le vélo au Québec, hein Victor !

Après 10 bornes de joyeux pédalage sur cette piste impeccable, ponctué d'échanges intenses et intéressants, nous rejoignons St Césaire. Un détour nous fait quitter la piste pour aller pointer notre carte au Couche Tard du village, km 48. C'est le lieu du premier contrôle, il est 8h. 

Premier contrôle de St Césaire

J'en profite pour expliquer à mon nouvel ami, les façons de s'alimenter dans ces endroits, placés stratégiquement, tous les 50 à 75 kilomètres environ. Victor me propose une de ses barres énergétiques mais je refuse poliment. Je lui conseille de varier davantage son alimentation lorsqu'on roule des heures et des heures. La nutrition est une des clés à ne pas négliger sur une longue distance, tout comme l'hydratation, les pauses et le sommeil.  

Étant déjà affamé après deux heures de vélo, je prends un petit cappuccino accompagné d'un croissant, cela me rappelle le bon petit déj français.

Café chaud et croissant frais dans ce monde glacial

J'explique ensuite à Victor, de ne pas m'attendre, de repartir solo à sa vitesse de croisière. Je me suis aperçu que ce n'est pas le genre de cyclo à rester sur un rythme pépère pendant toute une journée. Nous prenons donc une dernière photo ensemble, il y a effectivement de fortes chances qu'on ne se recroise pas d'ici la fin de notre longue chevauchée. Cependant, on s'est promis de se revoir la semaine prochaine, pour une excursion touristique dans la région de Montréal. Alors, bonne route amigo pour ton premier 300.

Bonne route Victor, ce n'est qu'un au revoir

Je finis ma collation, puis fonce vider mes intestins dans les toilettes du dépanneur rénové. Je remets en route tranquillement, sans pression de quoi que ce soit. Je suis le dernier des 3 amigos, on the road again. Cela va être une belle journée de randonnée solitaire. 


Étape 2, de St Césaire à Knowlton, 62 km, total 110 km

Côté météo, les conditions sont presque parfaites. Peu ou pas de vent en cet avant-midi, pas de pluie notable à signaler. Le seul problème va être de supporter la grosse chaleur programmée, environ 30 degrés avec facteur humidex de 38. Je sais que je ne passe plus bien à travers cette excès de température. Mon défi va être de bien m'hydrater et m'alimenter, malgré les effets négatifs que subira mon organisme. 

Pas de pause sanitaire cette fois-ci

Pour le moment, il ne fait que 20 degrés, je profite de ce répit temporaire pour avancer. L'humidité se fait déjà ressentir. Elle commence son travail de sape, me faisant transpirer intensément. 

L'itinéraire archi-connu est déroulé. La Route des Champs vers Granby est un long faux plat qu'il faut bien négocier, sans s'exciter, sous peine de perdre quelques plumes. St Paul d'Abbotsford au pied du mont Yamaska est dépassé. Rouler à l'ombre des arbres est bien apprécié à cette heure matinale. Je rencontre bon nombre de promeneurs à pied, à vélo, provenant des villages et des campings nombreux dans ce secteur.

Au pied du mont Yamaska, paradis des parapentistes

Km 71, c'est la fin de la Route des Champs, me voici sur Simmond sud à Granby. Je rejoins le lac Boivin, synonyme de ma pause habituelle

Le célèbre jet d'eau de Genève, ou Granby ?

Une table à pique-nique à l'ombre fait mon affaire. Je peux me crémer l'épiderme et le popotin. J'ingurgite aussi une banane et quelques morceaux de chocolat, avant leur fonte inéluctable, avec ce mercure en folie.

Crèmes, banane et chocolat

Bien réénergisé, je repars sur l'Estriade, piste déjà empruntée lors du récent 600, avec Yvon et Gaby. Souvenirs, souvenirs ! 

À l'ombre de l'Estriade

À Bromont, je la quitte cependant, pour traverser le village bien occupé par les touristes en auto ou autres. Petit cliché sur les pistes de ski au loin, ainsi que le Tim Horton, lieu de mon abandon du récent 600 !  

Bromont, sa montagne et son Tim Horton

Les premières côtelettes débutent à la sortie du bourg. Je les connais bien, elles ne sont pas trop dures. C'est juste la surchauffe de température qu'il va falloir convenablement gérer aujourd'hui.  

Km 95, je bifurque à droite sur le Chemin Brome, découvrant de beaux panoramas sur les monts aux alentours. J'aime ce cadre de verdure, même si ça grimpouille légèrement. Pour le moment, je suis en pleine zénitude, j'apprécie chaque moment.

En haut de la bosse, virage à gauche vers le charmant village de Bondville, par une route bien asphaltée en faux plat descendant. Je m'arrête au dépanneur Bonisoir, en face du Lac Brôme. Il pourrait constituer un excellent contrôle à la place du prochain à atteindre, celui de Knowlton. Étant un membre actif du comité Brevet du CVRQ, je me mets de temps en temps en mode repérage, pour les futurs projets du club.

Belle limousine au Bonisoir de Bondville

Encore quelques coups de pédales, me voilà au célèbre IGA, maintes fois accosté par le passé. Notamment au récent 600 ... Cette fois-ci, je suis bien en forme, plein de force et de volonté. C'est le 2ème checkpoint du km 110, ma carte est pointée à 11h15. Je me délecte d'un taboulé, de crottes de fromage Skouik Skouik, d'un yaourt avec framboises, le tout arrosé d'une eau fraiche et pétillante. Bien installé à la clim du magasin, j'apprécie ce moment de repas, de répit, de repos.

Copieux ravito à l'IGA de Knowlton

27 minutes plus tard, je ressors dans l'air chaud et humide, commençant à saturer l'air ambiant. Je remplis mon Camelbak d'eau froide, puis continue ma chevauchée par monts et par vaux.

 

Étape 3, de Knowlton à Frelighsburg, 71 km, total 181 km

Je repars par la 243 sud, bien que j'aille vers l'est. Les 8 premiers kilomètres sont un peu rock and roll, les bords de la chaussée étant pas mal défoncés. Par la suite, le nouvel asphalte transforme cette route en un véritable délice. 

Le tapis magique de la 243 

Elle serpente parmi les vallons, les lacs et les bois jusqu'au remarquable dépanneur Fusée. Après ça, le parcours oblique vers le sud par des sections plus exposées aux rayons UV. 

Plein sud vers Mansonville et les USA

Ça commence déjà à bien chauffer lorsque j'attends la charmante bourgade de Mansonville, km 139. Le cimetière vient de recevoir un nouveau pensionnaire, la foule rassemblée pour l'occasion, est dans le recueillement. 

Repos temporaire ou éternel pour certains

Du coup, je vais aussi me recueillir au dépanneur Bonisoir, à la recherche de fraicheur, sous toutes ses formes. Je m'engouffre dans le magasin réfrigéré, indispensable pour faire redescendre la température du corps. Une crème glacée va également me refroidir le gosier. Cette sensation a juste un effet placébo, l'important étant de se faire plaisir.

Déjà à la recherche de fraicheur

Je ressors dans la fournaise pour déguster mon Magnum et avaler un bout de banane. Le but est de se recharger en énergie, en prévision du relief plus intense se profilant bientôt. Je salue une sympathique randonneuse à vélo, elle aussi en pause hydratation. Elle repart vers Magog, mais en passant par la frontière US. Why not, coconut !

Mon corps s'étant quelque peu refroidi, je repars sous le cagnard. Il est environ 13h, ce sont les heures les plus chaudes de la journée. La chaleur me saisit à nouveau en abordant la vallée de la Missisquoi. Quelques rapides cyclos me dépassent, je n'ai nulle envie, ni la force, de les accrocher. Le moment présent est à l'effort minimum, histoire de ne pas prendre feu. Quelques sections de route ont été refaites, le roulement est agréable. Cependant, la surchauffe du goudron tout frais, l'est beaucoup moins. 

Goudron frais, oui. Surchauffé, non

J'égrène les bornes me rapprochant de la difficulté du parcours. J'ai nommé la bosse de Scenic Road, longue de 3 kilomètres, élévation D+ de 200 mètres. Au km 157, la voici dans toute sa splendeur. 

Attention, ça va grimper dans pas long

J'embarque sur le plateau de 26 dents. Je sors l'artillerie lourde, avec un assortiment de pignons de 24-27-30. De quoi monter à la moulinette sans trop se faire mal aux jambes. Je pense à Victor, il a dû escalader certaines portions à 13%, équipé de son unique 49x17. Vraiment impressionnant, le jeune ! 

L'engin de torture de Victor, une seule vitesse

Doucement mais sûrement, je m'extirpe de ce piège côteux. J'atteins le sommet, avec pour récompense, un puissant jet d'air frais insufflé dans la rapide descente. 

À Abercorn, j'ai prévu un arrêt pour m'hydrater à nouveau. Et surtout essayer de refroidir la température de ma carcasse. 

À Abercorn, je suis soufflé, comme le Popcorn

Je ne trouve qu'un abri Postes Canada, au frette sous un gros arbre, pour lutter contre l'hyperthermie latente. Je transgoutte à grosses spires, ou l'inverse, mes idées s'embrouillent. Quelques minutes sont nécessaire pour retrouver mes esprits. 

Livide et lessivé dans les boites à mail

C'est à cet endroit que le nouveau tracé du 300 Jean Robert amorce une variante majeure. On ne passe plus à Sutton, avec reprise de l'infernal 104 vers Cowansville puis la pénible 202 via Dunham. En revanche, il faut affronter quelques bonnes côtelettes en direction de Frelighsburg. Le retour s'effectue par Lacolle, St Cyprien puis la banlieue rive sud.

À peine remis de mon coup de chaleur, j'escalade une nouvelle pente, affichant 16% sur mon Garmin. Je sens que ma tête va exploser. Heureusement, il n'en est rien. Puis, c'est une succession de montées-descentes, poursuivant mon chemin de croix, en attendant que le relief se calme. Pour le thermomètre, il faudra patienter encore quelques heures, avant que l'astre solaire ne décline dans le ciel. 

OUF ! J'arrive sur les hauteurs de la Joy Hill. Je vais pouvoir redescendre full gaz jusqu'à Frelighsburg. 

Nouvelle bâtisse à la Joy Hill

Km 181, c'est le 3ème checkpoint du brevet, il est presque 16h. Je rejoins le Marché Tradition, doté d'un bel emplacement pour une pause, orné d'une fresque murale, avec table et chaises. Des randonneurs bienveillants ont laissé un surplus d'eau dans une grosse bouteille. Est-ce Marc ou quelqu'un d'autre, cela restera un mystère. 

Note de l'auteur: c'est effectivement Marc qui a laissé la bouteille d'eau, il me l'a confirmé ultérieurement. C'est la Marque d'un cyclo bienveillant. Donner au suivant. Ce geste est toujours apprécié dans la confrérie des randonneurs.

Fresque murale au Marché Tradition, l'art de recevoir

Péniblement, je débarque de mon vélo, presque en titubant. Je m'assois quelques minutes pour récupérer et boire quelques gorgées d'eau, difficiles à ingérer. Il faut que je sois présentable avant d'aller faire mon épicerie. 

Dans le magasin, c'est le choc thermique, j'en ai même la chair de poule. Je prends du melon d'eau coupé en morceaux, un croissant au jambon, une grosse salade de patates que je ramènerai par la suite car trop lourde à emporter. Je ramène aussi beaucoup de liquide, eau pétillante et coke. Lorsque je ressors, j'ai l'impression d'être dans un sauna, l'inconfort est total. Je vais me rassoir, dans l'espoir d'avaler de quoi reprendre des forces.  

Je suis en train de me payer un nouveau coup de chaleur, identique au dernier brevet de 600, cela me fait chier ! Aujourd'hui, pas question d'abandonner, ni d'appeler mes potes Eduardo ou Roger. L'idée est de contourner la défaillance, et boucler ce merveilleux parcours. La solution, c'est que la chaleur diminue. Le soleil doit donc disparaitre, pour laisser la fraicheur du soir s'installer. 

À l'eau ! Nouveau coup de chaleur pour bibi

Il reste deux heures chaudes, difficiles à passer. Je vais repartir mollo, sans perdre cependant, trop de temps. Trois quarts d'heure plus tard, me revoilà reparti dans le dernier toboggan de côtes, en direction du Lac Champlain.


Étape 4, de Frelighsburg à Lacolle, 61 km, total 242 km

L'itinéraire reprend par une bonne côte à la sortie de Frelighsburg, sur le chemin St Armand. Pas de répit pour mon organisme amoindri. Je serre les dents et prends mon mal en patience. 

Il me reste juste une vingtaine de bornes à jouer à saute-colline. Après, ce sera la délivrance. Plus de grimpette, et surtout, le soir puis la nuit vont arriver. Les zones d'ombre commencent à apparaitre, de plus en plus grandes et nombreuses, c'est bon signe. Je me hisse sur la colline du Pigeon, aussi appelé Pigeon Hill. C'est la route en sens inverse du 400 Jean Robert que je connais par cœur. 

Encore quelques bosselettes pour atteindre St Armand puis c'est le bout méconnu. Cela fait longtemps que je n'ai pas pris ce tronçon menant à Philipsburg, un nom familier à mes oreilles ! Hélas, ce sont encore quelques bosses à répétition. Je finis par lâcher, un Tabarnak, je commence à en avoir ma claque ! La 133 vient me sauver, je rejoins enfin le lac, appelé Baie de Missisquoi à cet endroit. 

Km 202, je suis tout heureux de trouver un banc à l'ombre, arrosé par les embruns de l'étendue d'eau toute proche. Je m'allonge illico dans l'herbe de tout mon long pour récupérer des efforts des dernières côtelettes. 

Au bord du lac, je récupère mes esprits

Cette fois-ci, c'en est fini du relief, il ne reste plus qu'à gérer la température. Le temps joue en ma faveur, il est 17h45. Je profite un bon quart d'heure de cette sympathique halte au bord du lac. Il y ferait bon farnienter mais j'ai un brevet à finir. Les yeux fermés, j'entends le bruit des joueurs de tennis frappant la balle, cela me repose l'esprit. Malgré mon manque d'appétit, je grignote machinalement un reste de banane. Il faut absolument remettre du fuel dans le réservoir. Sans essence dans une auto, c'est la panne assurée. 

Je repars en longeant la rue bordant le lac. Je m'en éloigne, apercevant quelques cônes oranges, barrant mon itinéraire. Un léger détour pour attraper la 133, puis me voilà sur cette grande route, arrivant de la frontière américaine. Le vent du sud me pousse dans le dos. C'est tout plat, je recommence à trouver le vélo bien agréable. Ma prochaine pause est prévue dans 10 bornes, au prochain village.

Pike River et son magasin général sont atteints sans difficulté. Je rentre à l'intérieur pour profiter de la clim, que ça fait du bien. Quelques provisions m'apportant de la fraicheur sont encore achetés. Yaourt aux fruits, crème glacée et quelques boissons Perrier et Coke. Je m'installe sur une table au soleil pour dévorer mes victuailles, il n'y a donc pas d'ombre par ici. 

Ou est l'ombre ? Dans les toilettes !

Vers 18h30, je continue mon périple, le soleil amorçant sa descente vers l'horizon. L'autre bonne nouvelle, c'est la présence des nuages de pluie, apportant son lot de fraicheur. 

Les nuages et la soirée vont me sauver de cette canicule

Il doit tomber quelques averses à quelques kilomètres d'ici, notamment vers l'ouest ou je me dirige. Je ne diras pas non à me faire arroser, une fois n'est pas coutume. 

Quelques averses se déversent dans les environs

Je ne tarde pas à rejoindre Venise en Québec, lieu de villégiature très apprécié des touristes, surtout des campeurs. Le lac Champlain et toutes ses activités possibles en sont la cause, bien évidemment. Je veux également jouir du spectacle. 

Les gondoles de Venise ... en Québec

Un banc avec vue sur le lac dans les couleurs du soir, est trouvé. J'y déguste mon yaourt avec une rasade Perrier. L'appétit est de retour, les voyants se remettent progressivement au vert. 

La fraicheur du lac en soirée me revigore

Je file à présent plein ouest sur la 202, route assez passagère, parallèle à la frontière. Heureusement à cette heure, le gros de la journée et de sa fréquentation est passé. Je roule donc en sécurité sur un bon accotement.

Plein ouest vers Lacolle

Je franchis le Richelieu, se jetant dans l'immense lac au soleil couchant. C'est trop beau, je ne peux manquer ce cliché. 

Sunset en franchissant le Richelieu

À certains endroits, l'asphalte est mouillé d'une récente pluie. 

Dernier rayon de soleil dans mes rayons sur route humide

Une petite rue me fait quitter la 202 pour rejoindre le village de Lacolle, avant dernier contrôle du brevet, km 242. Je gare mon bécyk au Harnois, tout illuminé et fort achalandé par les locaux venus tanker. Il est 20h15, Galarneau vient de se coucher. Mes écouteurs et le iPhone se font recharger. Le GPS sera réalimenté en roulant grâce à ma batterie auxiliaire.

Le Harnois de Lacolle est ouvert pour le ravito

J'effectue les dernières emplettes du jour, dans ce dépanneur bien garni. Encore de l'eau glacée pour mon Camelbak, du Perrier pour me rafraichir le gosier. C'est dingue la quantité de liquide absorbée durant cette journée, équivalente à la quantité transpirée. J'avale un autre yaourt aux fruits accompagné d'une délicieuse salade de patates maison. Les glucides sont de retour dans mon estomac. 

Énième refill en liquide et solide

Je savoure le moment, sachant que le plus dur est derrière moi. La canicule est chose du passé, il ne me reste qu'à rejoindre la base, distante de 60 bornes. La nuit va m'envelopper de son manteau, sur des routes bien aimées que je connais par cœur. Ma pause de 30 minutes est écoulée, je reprends mon envol. 

Youpi, mon pari d'attendre la nuit a fonctionné


Étape 5, de Lacolle à St Lambert, 61 km, total 303 km

Dans la noirceur, je quitte Lacolle en catimini  Deux bornes plus loin, j'emprunte la piste cyclable du Paysan sur 6 kilomètres, nouvellement réasphaltée. La chaussée est humidifiée par une récente ondée, à laquelle j'ai échappée. Le faisceau de ma lampe éclaire cet écrin de nature, m'enfonçant dans la flore et la faune. Je compétitionne avec une moufette, aussi apeurée que moi, essayant de s'extraire de mon couloir de lumière.  

Km 249, je retrouve la 217 à Henrysburg. Je suis en terrain archi-connu, le moral et la forme sont revenus. Un léger vent de sud continue de me pousser, tout va bien dans le meilleur des mondes. La moyenne remonte allègrement autour des 27 à l'heure, les jambes tournent comme une horloge. Seul petit hic, c'est le mal de selle, situé à l'entrejambe, à un endroit inhabituel. C'est certainement l'intense et inhabituelle transpiration qui a provoqué cela. 

Peu de trafic sur cette route à cette heure nocturne. St Cyprien et son sacro-saint Shell est atteint, pour une pause symbolique. Je réalimente le corps en liquide et solide, de manière mécanique, comme une F1 à son arrêt aux puits. 

Pit stop in St Cyprien

C'est reparti par l'agréable Rang du Coteau, à l'asphalte irréprochable. Un petit bout de 217 puis le rang St Marc, menant à St Philippe. Sur cette section, je suis surpris d'apercevoir les feux d'artifice Loto-Québec. Ils sont tirés du parc de la Ronde, non loin de chez moi. C'est la dernière soirée de compétition, j'assiste au bouquet final à une vingtaine de kilomètres de distance !

Km 278, dernière arrêt sur les marches du dépanneur de St Philippe, lieu souvent fréquenté, avec mes amis HQ riders et mon fiston. Quelques souvenirs me remontent à la mémoire.

St Philippe, priez pour nous

Il faut mettre les derniers clous dans le cercueil de ce 300. Plus de pause jusqu'à destination. Je tire un bord sur la montée Monette, puis à tribord toute sur le rang St Claude. Les lueurs de la banlieue rive-sud apparaissent, c'est le retour à la civilisation.

Sprint sur l'overpass de la 30, je m'enfonce dans les rues résidentielles de Candiac. Je ne prends pas la piste cyclable avec ses passages de trottoirs, préférant rester sur la route des autos, plus roulante. Pas le temps de niaiser, j'ai hâte de rentrer.

Un bout de Taschereau, un bout de Pelletier. Par Rome, je me retrouve sur la piste cyclable en bordure du St Laurent. Le Pont Champlain est passé par dessous. Il est toujours aussi magnifique, avec sa vue imprenable sur Montréal illuminé. Je ne m'en lasse pas ! C'est ma ville d'adoption, ma région, ma province, mon pays, désormais.

La ligne d'arrivée sous le pont Champlain

Les derniers coups de pédale sont effectués sur la piste de Riverside, puis la rue Rivermère. Petit coucou au restaurant de Ricardo, me voilà au checkpoint final de St Lambert, à l'Ultramar, km 303. Je fais signer mon bout de carton vers 23h52. Mais oui, nous sommes toujours samedi. 17h52 pour réaliser ce 300, c'est loin d'être mon meilleur chrono. Avec des circonstances atténuantes, il va sans dire, avec cette foutue chaleur accablante, qui m'a foutrement accablée !

Je me congratule, puis rentre illico chez moi, à 3 bornes de là. Je tourne la clé de mon condo, il est minuit docteur Schweitzer !

Le découpage des étapes


Conclusion

C'est avec fierté que j'ai terminé ce 300 alors que le spectre de l'abandon m'a hanté une nouvelle fois. La grosse chaleur est maintenant une ennemie que je ne veux plus affronter. Cela devient trop dangereux pour mon organisme et ma santé. Même si j'ai réussi à dépasser mes limites physiques pour arriver à bon port, notamment en attendant les faveurs de la nuit, je me promets de ne plus recommencer ce genre d'aventure caniculaire. Ce qui veut dire, plus de longue distance au delà des 30 degrés, c'est désormais écrit dans mes règles de base.

Pour ce qui est de mes partenaires de souffrance, Victor a terminé son premier BRM 300 en 13h40, à presque 26 de moyenne. Bravo Single Speederman ! Il a même fait un extra d'une quarantaine de bornes, pour l'aller-retour vers son lieu de location à Montréal. Ce fut un plaisir de te rencontrer, mon Victor. Nous nous reverrons bientôt, avant la fin de ton séjour au Québec, pour une visite guidée dans la grande région métropolitaine.

Pour Marc, il a aussi souffert de la chaleur, comme nous tous d'ailleurs, la chaleur n'épargne personne. Il a fini en 14h23, ce qui est un temps fort honorable. Il va lui même raconter sa journée, dans le texte ci-dessous.

Je suis très content de mon brevet hier. Trois cents kilomètres et plus, j’en fais toujours tout un fromage : une sortie comme ça, c’est d’abord dans la tête et tous les prétextes sont bons pour ne pas s’y engager.

La difficulté intrinsèque du parcours est à considérer mais que dire de la météo ? À ce sujet, je disais aujourd’hui à ma blonde qu’à tout prendre, et bien que je ne prise pas du tout la chose lorsque le mercure s’envole vers les hauteurs, je préfère la chaleur à de forts vents et/ou à de la flotte. En conséquence, je n’avais pas de motif valable de déclarer à nouveau forfait ce samedi 6 août !

Je vois que Victor a fait un bon temps, sur un vélo à pignon fixe par-dessus le marché ! J’ai été un peu surpris d’apprendre du commis de dépanneur rue Victoria que quelqu’un avait fini avant moi car je n’ai jamais revu mes deux acolytes du départ à Saint-Lambert mais, réflexion faite, il a eu quelques occasions de me dépasser sans que je ne m’en aperçoive, tant les efforts accumulés que la chaleur écrasante m’ont amené à multiplier les arrêts passé Philipsburg (à Pike River, on s’est marré de me voir faire la statue face à un climatiseur). Cela dit, j’ai quand même bien géré la chaleur en m’aspergeant copieusement d’eau lors de ces multiples arrêts. Parlant d’eau, la finale du brevet fut l’occasion d’une fameuse course (que je remportai) sur la 217 (j’aime cette route) avec un orage sur mes talons !

Côté foule sur deux roues, l’attrait des pistes cyclables et des routes estriennes se confirma: quel contraste passé Philipsburg alors que j’entrai dans la « partie four » de l’itinéraire (retour dans les vastes étendues cultivées de la Montérégie où les arbres se font rares); désormais, je n’allais avoir pour compagnons de route qu’autos et motos pétaradantes (ah, ces fichues motos !). Après Lacolle, dans le soir qui tombait tranquillement, comme les routes furent tranquilles : du bonbon pour le cycliste zen que je suis.

Lorsque je découvris les parcours au début de la saison, je trouvai intéressant ce nouvel itinéraire et la réalité sur le terrain confirma mon jugement initial. 

La suite des aventures avec le CVRQ se poursuit dans 4 semaines. En effet, nous n'avons pas prévu de brevet pour le reste du mois d'Août, congé oblige ! Alors à bientôt pour de nouvelles péripéties, lors de la Populaire du 3 Septembre, en formule Audax. J'ose espérer que quelques néophytes se joindront à moi pour former le gruppetto de queue de peloton.

Vive le CVRQ !