samedi 30 juin 2012

Le premier 400 de ma vie

Prologue

Nouvelle journée de défi aujourd’hui, affronter 400 km à vélo en une seule étape et sans dormir ! C’est la plus grande distance que j’ai jamais réalisée et cela fait longtemps que je m’y prépare psychologiquement. Physiquement, je pense être prêt puisque j’ai parcouru 2500 km depuis le début de la saison cyclo (soit début avril) et j’ai plutôt bien passé le 300 de la semaine dernière sans mal aux jambes, les seuls soucis avaient été la selle et surtout les cervicales assez douloureuses à l’arrivée. Couché tôt la veille et les jours précédents pour accumuler du sommeil, je me réveille vers 3h15 du matin, ayant bien dormi et étant assez relax malgré l’angoisse de l’inconnu. Ma chérie, qui dort à mes côtés et qui va m’accompagner sur une partie du parcours, a choisi de se réveiller plus tard car elle a horreur de se lever tôt et même de se lever tout court. La décider pour ce genre de folie a été tout un exploit et il a fallu que je travaille fort pour qu’elle me fasse plaisir: je l’en remercie d’ailleurs ! Préparation aux aurores car dehors il fait nuit, c’est la routine de l’avant brevet, douche, déjeuner, vérification des affaires à emmener sur le vélo. Ce coup-ci, j’ai décidé d’emporter le strict minimum dans une sacoche centrale sur le porte-bagages, une belle sacoche toute rutilante de chez MEC. Aussi mes 2 grosses sacoches latérales du 300, beaucoup trop chargées de choses inutiles, resteront à la maison pour aujourd’hui et ne se délaveront pas sous le soleil prévu par Météomédia en cette chaude journée d’été. Que voulez-vous, on apprend de ses erreurs et il faut trouver des solutions. 

Samedi 30 Juin 2012

À 4h30, je suis sur mon vélo avec une lumière clignotante à l’arrière dans le jour naissant, j’emprunte Victoria pour rejoindre St Lambert downtown et le point de ralliement du brevet. 8 randonneurs sont prévus pour aujourd’hui et une belle fébrilité mêlée de bonne humeur est présente au sein de cette petite communauté de sportifs qui savent qu’ils vont réaliser une épreuve qui n’est pas à la portée du premier cyclo venu. En effet chacun s’est préparé à sa façon mais nous savons tous que les maîtres mots pour la réussite de ce périple sont la pratique et l’accumulation de kilomètres des semaines précédentes. Jean distribue les ordres de mission pour chacun puis nous nous rassemblons par la rituelle photo de départ. 

À 5 heures pétantes, je m’élance derrière 2 cyclos qui ne tardent pas à me distancer rapido-presto, il s’agit de Sylvain et René qui ont des ambitions d’horaires vraiment ambitieuses, faire moins de 16 heures ! Je ne m’en fais pas car Marielle m’attend au Tim de Brossard (km 5), elle est réveillée mais ses yeux sont encore endormis, je le vois bien ! Elle va rouler avec moi jusqu’au km 170 pour m’accompagner et m’aider au besoin à prendre des relais si les conditions venteuses se mettent de la partie. En plus cela me fera de la belle compagnie ! Nous roulons à bonne allure avec vent favorable pour le début et nous sommes rapidement rejoint par Raymond puis Martin et Jean que nous suivons sur quelques kilomètres. Mais le rythme soutenu est un peu trop rapide pour nous 2, surtout pour Marielle qui a moins de kilométrage que moi, aussi nous préférons réduire la cadence et rouler à notre allure qui est plus confortable. Les autres participants sont tous des machines, la plupart ont fait cette année plusieurs 200, 300, 400 et même un 600, alors un 400 de plus ne leur fait pas peur et leur défi est non pas de terminer mais d’essayer de faire mieux que la dernière fois ! Moi je n’en suis pas là (dans 2-3 ans peut-être ?), mon objectif est d’arriver peu ou pas crevé comme le préconise l’éthique des brevets randonneurs mondiaux ! Nous dépassons Chambly (km 25) et attaquons la descente vers le sud et sa frontière par les petites routes tranquilles de la Montérégie. Dans la petite commune du Mont St Grégoire (km 50), nous faisons une pause grignotage (banane et barre céréale) à la cantine déserte à cette heure matinale, le 1er contrôle est en effet au km 105 alors nous nous aménageons des arrêts intermédiaires. La direction plein sud nous force à appuyer d’avantage sur les pédales et nous sommes dépassés par les 2 autres cyclos du brevet. D’abord Gilles qui roule bon train puis par Olivier qui a l’air de tirer grand et de peiner, est-ce une impression ? Toujours est-il que nous le redoublerons vers le km 70, arrêté sur le bas-côté, a-t-il eu un ennui mécanique ou une baisse de régime, je ne l’ai pas su même s’il m’a répondu oui lorsque je lui ai demandé si tout allait bien. Enfin nous atteignons le km 88 et le chemin St Armand pour une direction ouest avec wind in the back. C’est une route que nous avons déjà empruntée dans l’autre sens, ou la nature verte et vallonnée s’offre à nous, les premières côtes d’une longue série aussi ! La journée avance doucement et le soleil commence à darder ses rayons plus intensément, pourtant il est à peine 10 heures, ça va donc chauffer aujourd’hui ! Après quelques côtelettes apéritives, nous descendons sur Frelighsburg lieu du 1er contrôle (km 105) et nous stoppons au Marché Gosselin que je crois être le Sergaz dépanneur ! De toute façon, il n’y a déjà plus de cyclos de notre gang ici, nous sommes beaucoup plus lent qu’eux. Halte de 30 minutes dans l’herbe à l’ombre avec quelques victuailles et boissons pétillantes en prenant quelques photos, c’est ça le cyclotourisme !

Nous quittons le joli bourg de Frelighsbourg, lieu de résidence du chroniqueur de la Presse, Pierre Foglia, passionné de vélo. Voilà la côte de Joy Hill (je chantonne Y a de la joie de Charles Trénet) que nous connaissons aussi lorsque nous allons faire notre traditionnel tour de Jay Peak. Ma chérie commence déjà à peiner alors je ne lui parle pas du reste des festivités pour la journée car elle se découragerait. Je lui dis qu’il faut prendre chaque côte une par une, sans se défoncer et sans penser à la prochaine car nous avons tout notre temps ! Nous atteignons Abercorn et la traversée de la 139, ensuite c’est un des gros morceaux du 400, la côte de Scénic (km 125) déjà prise par le 300 mais en sens inverse. C’est là que ma cocoon explose et met pied à terre alors je l’attend en haut et nous y faisons une petite pause réconfortante. Avec la canicule, Marielle est en train de se déshydrater, aussi je lui conseille de boire plus qu’à l’habitude. Pour ma part, j’ai mon Camelbak qui me rend un service incroyable, vraiment je ne pourrais plus partir sans cette gourde dorsale, c’est impeccable pour boire souvent par petite quantité et c’est pour cela que je ne souffrirai pas de soif en cette chaude journée. Nous redescendons dans la vallée de la Missisquoi toujours avec un bon vent arrière qui assiste bien ma coéquipière. Nous faisons halte à Mansonville (km 147) pour nous réhydrater copieusement et faire le plein de nos réservoirs. Nous dégustons une crème glacée sur un banc à l’ombre et écoutons la fin du show d’un guitariste-chanteur en ce jour précédant la fête du Canada. Je discute avec 2 cyclos qui ont eu la même idée que nous et qui viennent de Magog et y retournent. Ils me demandent également mon parcours et je leur dis modestement que je fais un 400, leurs bras et leurs jambes leur en tombent, ils me félicitent ! Mais hey les gars, c’est pas encore bouclé, ce n’est pas encore le moment de se bomber le torse ! Les côtes continuent de se succéder sous la chaleur, ce qui réduit considérablement l’allure de ma courageuse mais affaiblie compagne de route. Nous devons nous séparer vers le km 170 mais voyant ma moyenne fondre à vue d’œil, nous décidons d’un commun accord que je la laisse aller à son rythme pour rejoindre son motel situé à Eastman à une trentaine de km de là. Nous nous séparons donc au km 155, un petit bec, puis j’enclenche le turbo pour essayer de remonter l’allure et ne pas terminer hors délai, mais je n’en suis pas là tout de même. Belle descente atterrissage sur Knowlton Landing puis ça continue de jouer à saute colline sur chemin Cooledge, le chemin d’Austin et je rejoins la 243 signe de calme passager pour le relief. Petite pause au dépanneur de Lac Brôme pour me recharger en glucide et liquide. Puis je file plein pot vers Sutton (km 211) par la 215 sud, histoire de pointer ma carte pour le 2éme contrôle. Petite halte yogourt vite fait bien fait et je remonte la 215 nord direction le chemin Brôme par de longues montées faciles. Les jambes tournent à la perfection, faut dire qu’attendre ma chérie pendant un certain temps m’a fait économiser des forces. Le ciel s’obscurcit à l’horizon et je vais droit vers l’orage au loin. Je bifurque à droite chemin Fullford puis remonte plein nord vers Waterloo franchissant la 10. J’atteins le dépanneur de la 112 et lieu du 3éme contrôle (km 248) sous quelques gouttes de pluie. Lorsque je ressors du magasin, il s’abat une solide averse d’orage, ouf je suis à l’abri et j’attends que ça passe, tant pis pour le timing mais je n’ai pas envie de me faire rincer sous cette douche chaude. 

15 minutes plus tard, le soleil revient et c’est le temps de reprendre la route qui m’amène tout droit à Eastman et le motel de Marielle (km 265), il est 21h15. Elle est arrivée depuis belle lurette, elle a pris son souper dans le restau du village et se relaxe devant la télé. Moi je profite de sa douche pour me refaire une beauté, de sa prise murale pour recharger mon GPS faiblard et manger quelques pâtes achetées au dép de Waterloo. Nous relaxons allonger sur le lit, ma chérie commence à s’endormir mais pour moi la journée n’est pas terminée ! Vers 22h30, je m’équipe en configuration nocturne, lumières, baudrier, habit plus chaud, changement de chaussettes car il me reste 130 bornes by night à effectuer. Il faut une bonne dose de folie ou d’inconscience pour repartir sur des routes inconnues à cette heure de la nuit mais l’adrénaline aidant, je ne pense pas à tout ça, tout ce que je veux c’est en terminer avec ce défi personnel. Mes 2 lumières Cygolite 500 éclairent vraiment bien mais il faut que je pense à les économiser car je dois passer 6 heures dans la noirceur alors je jongle avec les différentes intensités en fonction de l’éclairage publique des localités traversées. La nuit, c’est cool, c’est calme mais on ne voit rien du paysage environnant, dommage. J’aperçois les animaux nocturnes, les vivants et les morts gisant sur les bords de la chaussée. J’ai été effaré de voir pendant le parcours, autant de bestioles ratatinées, explosées, éventrées, oiseaux, rongeurs, ratons laveurs même des chats, un vrai massacre animalier sur toutes ces routes, paix à leurs âmes, amen ! Je rejoins donc la 220 en continuant de grimper et descendre régulièrement à un rythme assez tranquille, ce qui n’entame toujours pas mes forces à mon grand étonnement. C’est plutôt le mal au cou qui se réveille et me force à m’arrêter souvent, juste quelques secondes pour faire des étirements. Cela devient pénible, je dois avoir un problème chronique et je devrais consulter à mon retour. Les villages défilent, Ste Anne puis la 243 et Warden (km 298), je vais bientôt retrouver la 112 signe que les côtes achèvent, youpi ! Un dernier rush sur cette route connue et me voilà au Vélogare de Granby (km 315) ou je m’accorde une pause bouffe mais je n’ai pas faim et pourtant il faut alimenter la machine pour ne pas tomber en panne et se taper une hypoglycémie. J’ingurgite donc mes gels miracles, cela passe mieux et ça a bon goût, faut juste boire beaucoup après ! Je traverse Granby bien animé même vers 1h du matin, c’est la fête ici tandis que je file par la 112 vers le 4éme contrôle de St Césaire (km 343). Bien sûr je me restaure au Tim, une bonne soupe, un yogourt et un jus d’orange pour me garder éveillé car l’envie de dormir commence à me tenailler. 

Après ce bon repas, me voilà reparti pour la dernière ligne droite de 40 bornes sur la 112, le jus m’a fait du bien et me tient éveillé. Les jambes tournent toujours impeccable, aucune douleur nulle part, en revanche le cou me fait vraiment souffrir, c’est bien dommage car sinon tout aurait été parfait. Même la douleur aux fesses est franchement supportable, faut dire que j’avais appliqué un produit miracle recommandé par mon vélociste Beausoleil, il a fait la job ! Les fous en bagnole et autres joyeux fêtards me doublent mais je suis bien visible avec mon costume et mon vélo de lumières, et sur la large bande cyclable je n’ai aucune crainte. Le jour au loin commence à poindre, en 24 heures j’aurai vu le soleil se lever, se coucher et se lever à nouveau, toute une belle expérience ! Chambly est dépassé et voilà St Hubert, traditionnel parcours de retour de brevet, ça sent la fin des haricots alors le profite de mon bonheur de cyclo réjoui d’avoir accompli un petit exploit personnel. Mon compteur annexe atteint 395 km (mon Garmin m’a lâché au km 360 malgré la recharge de 40%) alors que je rejoins le Tim Horton de Brossard, zut j’ai même pas 400, suis un peu déçu !

Épilogue

Je fais pointer ma carte il est 5h16, je suis fourbu mais heureux, je l’ai fait ! Tu es tough, me dira par la suite ma blonde émerveillée par l’athlète qu’elle a devant les yeux ! Je n’ai plus qu’à rejoindre mon condo du coin Victoria-Simard non loin de là, prendre une douche et m’affaler dans mon lit pour prendre quelques heures de sommeil. À 11 heures le cadran me réveille, il faut repartir à Eastman chercher ma chérie au motel … oui mais en auto cette fois, ce sera un peu plus rapide ! À 13h, nous nous retrouvons à Waterloo car elle s’est défoulée un peu les jambes en pédalant puis nous rentrons tranquillement vers Montréal. Notre aventure est maintenant bel et bien terminée. Merci aux organisateurs pour le parcours de toute beauté. Maintenant je sais que le 600 est à ma portée, en formule 2 fois 300 km avec une courte nuit au milieu et à condition de régler mon problème de cervicales. Mais ce sera pour l’année prochaine car ce n’était pas dans mes objectifs de cette année. Alors à plus pour de nouvelles aventures.