dimanche 18 août 2019

PBP 2019 ou la symphonie inachevée d’un PBP transformé en PBC


4 ans après, j'entre à nouveau dans l'histoire ... et dans le film !

Prologue 


Ça y est, je suis sur le point de m’envoler pour la France. Je pars réaliser mon objectif sportif de l’année, le légendaire Paris-Brest-Paris. 

Comme il y a 4 ans, j’ai essayé de mettre toutes les chances de mon coté pour réussir cette difficile épreuve d’endurance. 

En 2017, je me suis offert un nouveau vélo en titane, un Marinoni Piuma, plus léger, plus agressif, plus performant. Normalement, il doit me procurer moins de fatigue que ma bicyclette en acier Columbus, un Marinoni Turismo. Celui-là même qui m’a procuré une énorme joie en ralliant la ligne d’arrivée du PBP 2015

En 2018, j’ai remis en route les brevets classiques, 200, 300, 400, faisant l’impasse sur le 600 pour m’offrir un 1000 km, complété avec succès. Cela m’a mis en confiance pour la suite et m’a permis de me pré-qualifier sans problème pour l’épreuve reine. 

En 2019, année du PBP, il a fallu refaire la traditionnelle série des brevets qualificatifs, 200 (récit et film), 300 (récit et film), 400 (récit et film), 600 (récit et film), encore une fois réussis avec brio, un gars fort sympathique ! Les conditions météorologiques ont rendu l’exercice plus difficile mais ça fait partie du jeu. La motivation n’était pas toujours au rendez-vous et quelques problèmes physiques sont apparus. Ceci a mis un grain de sable dans la mécanique, pourtant bien huilée. Mais comme je suis obstiné et que j’aime aller au bout des buts fixés, j’ai obtenu ma qualification finale. 

Le mois de Juillet et la moitié d’Août ont été employés à parfaire ma condition physique. Sur le plan mental, je me sens prêt. La grande question est de savoir si mon corps répondra présent à ce 2ème RV avec l’histoire du PBP. C’est ce que nous allons découvrir dans le récit chronologique qui suit. 

Mercredi 14 Août 2019 


Je termine ma journée de boulot chez moi, en télétravail. Je boucle ma valise en essayant de ne rien oublier pour le grand événement. En fin d’après-midi, mon pote Roger vient me chercher pour m’emmener à l’aréoport. En passant, il m’apprend une triste nouvelle, son chien est mort ;-(( Merci encore l’ami d’être venu malgré ta douleur. 

Mon fidèle pote Roger

A PET, c’est le bordel ! Je trouve qu’il y a beaucoup trop de monde qui prend l’avion, moi le premier. C'est pas bon pour le réchauffement climatique, tout ça. Embarquement en soirée, mon voisin de fauteuil est bien encombrant, j’essaie de me faire tout petit. Heureusement nous n’avons que 5h40 de vol, je réussis à dormir un peu. 

Départ de PET avec la valise en carton

Jeudi 15 Août 2019 


Arrivée Paris en matinée, je récupère ma valoche et ma boite à vélo. Je rencontre 2 randonneurs connus, ce sont 2 Guy, Mousseau de Gatineau et Quesnel d’Ottawa. Ma fille Marie vient me chercher dans sa petite auto, la boite de carton rentre aux forceps. Retrouvailles familiales, remontage et test du bécyk. Puis joyeux souper bien arrosé, la fatigue me rattrape rapidement. Zou, au lit. 

De nouveau bien accueilli par Marie et Flo

Vendredi 16 Août 2019 


Premier réveil français, j’offre les croissants à mes hôtes, Marie et Florent. Ils ont la gentillesse de m’accueillir une nouvelle fois pour ma seconde participation au PBP. Je pars ensuite pédaler pour une balade de 60 bornes dans ma Picardie natale. Je redécouvre des endroits bien appréciés, séquences souvenirs et nostalgie. En après-midi, un peu de magasinage avec ma fille pour le ravito de l’épreuve. Puis fin de journée avec le frangin Jay qui s’est invité. Encore un souper bien convivial qui se termine tard, pas très bon pour la récupération. 

Séquence souvenirs, le point culminant de ma région picarde

Samedi 17 Août 2019 


Nouveau réveil à Verneuil, bénéfique je l’espère. Je reprends peu à peu du déconnage horaire. Matinée cuisine pour préparer mes cakes énergétiques en prévision de mon raid énergivore en calories. Départ pour Senlis où je dépose Marie qui retape avec son chum, un appartement dans le quartier historique à des fins de location. Puis je file à Rambouillet dans la mini auto de ma fille, avec mon vélo démonté en pièces détachées. Il se met à pleuvoir tandis que je vois arriver des vagues de randonneurs vers le point de concentration. 

Aucun doute, je suis au bon endroit

Arrivée au château, je ré assemble ma monture puis me dirige vers la Bergerie Nationale. Je rejoins mes collègues québécois et canadiens pour les traditionnelles photos de groupe. D'abord ceux et celles à la feuille d'érable puis les autres à la fleur de lys. Nous ne sommes que 8 québécois sur les 13 inscrits, la bande du Fab 5 s'est égarée dans la foule internationale. 

Les Randonneurs Canada arborant fièrement l'Unifolié

Nos Canayennes, no québécoise !

Puis c'est l'attente du bike check sous une bruine incessante, nous sommes bien rincés, attention à ne pas attraper la crève. Finalement, je récupère la trousse du participant, incluant la plaque de cadre, le baudrier de sécurité obligatoire pour la nuit et les 2 maillots cyclistes du PBP que j’ai achetés. Comme d'habitude, les tailles européennes sont vraiment petites. Aussi presque tout le monde est surpris et essaie de les échanger pour une taille plus grande. Pour la plupart, c'est peine perdue, out of stock! 

Ambiance humide, les loups sont dans la Bergerie

Tanné de me faire arroser, je retourne sans tarder à ma base de départ. Je m'arrête chez WacDo pour avaler un burger super santé, je n'avais pas mangé ce midi. En soirée, mon fils Jack arrive avec le camion de Serge, merci à lui. Le toujours rutilant Peugeot Boxer sera notre compagnon pour l'épreuve. Souper en famille puis au lit pour dormir un peu. 


Jack mon fiston, aussi excité que son père

Dimanche 18 Août 2019 


Dernier réveil dans un bon lit avant d'entamer mon marathon de nuits plus ou moins blanches. Aurais-je emmagasiné assez de sommeil, on verra ben. Matinée déjeuner, chargement du camion, bouffe, équipements divers et bien sûr le vélo. En début d'après-midi, nous prenons la route de Rambouillet. Arrivée sur site, la tension monte d'un cran, les participants s'apprêtent au départ. 

Voici le garage, la chambre et le garde manger

Je briefe Jack sur la logistique, les points de rencontre, la communication par cellulaire, notre collaboration commence à être bien rodée, merci mon fiston adoré. 

Jack s'interroge sur la folie de son paternel

Vers 16h30, je pars rejoindre mes camarades de jeu, tous déguisés en Randonneurs Canada. Je suis le seul à arborer l'écusson du Québec que j'ai moi-même cousu sur l'épaule opposée à celle portant l'Unifolié. Est-ce que ça me portera chance ? Les derniers québécois qui avaient fait de même, n'étaient pas allés jusqu'au bout. 

Hello Jean sans roue, cousin de Jean sans terre !

La tension est palpable dans le sas des G

Rassemblement dans le sas des G, je retrouve Marc B, Michel L et Olivier C. Ils me racontent leur périple venteux et pluvieux de la Hollande à Paris en passant par la Belgique. Le soleil remplace les nuages de pluie, les conditions s'améliorent. Sauf que le vent souffle d'ouest, il sera donc contraire à notre progression. Gaby et JF viennent se joindre à notre cohorte des G. 

Marcus et Mitch se sont faits des amis thailandais

Peu avant 17h30, le cortège s'ébranle vers la ligne de départ. Le long défilé est applaudi par une foule importante massée de chaque côté du chemin encore boueux des récentes averses. Nous sommes acclamés tels des héros, pas mal de monde prend des photos et des vidéos, notamment mon fiston qui joue son rôle à la perfection. 

Le grand cirque du PBP prend son envol

 Le défilé des engins spatiaux

Quelques fous en fat bike, aucun ne terminera

Jack le photographe remplit sa mission de reporter

Nous faisons estampiller notre carnet de route sous la tente de départ, nous bippons dans les détecteurs électroniques du km 0. Ça y est, c'est parti, on roule sur PBP 2019, il est 17h33. 

Km 0, PBP 2019 commence maintenant

Marcus distribue quelques high five en quittant la Bergerie

Étapes 01 et 02 - Rambouillet à Villaines la Juhel - Total 217 km 




Plan de match étape 01

Km 0: À la sortie du parc de la Bergerie, je suis mes 4 compagnons Olivier C, Michel, JF et Marc, lancés à vive allure. On a déjà perdu Gabriel, le 6ème G. Il nous racontera plus tard que l’étui de plastique contenant sa carte de brevet lui a joué un mauvais tour, obligé de s’arrêter pour régler le problème. 

En mode poursuite avec mes compatriotes

Km 5: Notre Fab 5 du 1000 km de 2018 est à nouveau recomposé. Nous traversons la forêt de Rambouillet à plus de 30 à l’heure, avec vent défavorable. Nous doublons la plupart des cyclos devant nous. Attention les amis, voici le transcanadien lancé à toute vapeur, une vraie équipe de contre la montre ! 

Le transcanadien bien lancé sur ses rails

Km 10: St Léger en Yvelines, c’est mon 5 minutes de gloire. Je tire mes compatriotes en dépassant des paquets de randonneurs en totale admiration. Moi qui voulais démarrer mollo tout en restant avec mes potes, c’est plutôt raté. L’adrénaline du départ me joue des tours cette fois-ci. 

5 québécois dans le vent, c'est le Fab 5

Km 18: Condé sur Vesgres, nous traversons les villages où une foule importante nous acclame. Cela nous excite encore plus et nous pousse à appuyer davantage sur les pédales, dans l’euphorie générale. 

Les villageois nous acclament à notre passage

Km 27: Faverolles, 18h30. Quelques côtelettes viennent se mettre sous nos roues. Olivier en tête, l’allure du Fab 5 ne faiblit pas, y compris dans les pentes. Je commence à trouver ça un peu rapide pour un départ de PBP, il nous reste juste 1200 bornes à parcourir. Je me laisse donc décrocher pour reprendre mon rythme habituel. Dommage pour moi, j’avais planifié de faire la route jusque Mortagne avec mes amis, il n’en sera pas ainsi. Du coup, je prends le sillage d’un tandem suédois qui roule à mon allure. 

Bien planqué derrière un tandem Ikéa

Km 33: Traversée de Nogent le Roi avec ses belles maisons normandes à colombage. Ma caméra tourne les images qui me serviront à faire un film sur notre odyssée. 3 randonneurs canadiens connus me dépassent, c’est Marc, Olive et Mitch. Ils ont dû stopper entre temps, JF n’est plus avec eux. Ils s’éloignent aussitôt dans la bosse à la sortie du village. Je ne les reverrai plus du PBP, bonne chance les amis. 

Belles maisons à colombage de Nogent le Roi

Km 48: Tremblay les Villages, 19h30. Le vent d’ouest est bien installé dans la plaine, on roule en paquet pour se protéger. La communauté et la solidarité entre cyclos s’installent progressivement. 

La communauté des cyclos à travers la Comté, au loin le Mordor

Km 59: Châteauneuf en Thymerais, 20h00. J’ai prévu de faire un arrêt ravito. Ça tombe bien, il y a un attroupement autour d’un stand improvisé où des locaux vendent boissons et sandwiches. Je mange ma salade de thon en buvant un coke acheté chez l’habitant. 


Halte prévue à un stand improvisé chez l’habitant

Jack me texte qu’il est déjà arrivé à Mortagne au Perche, garé à côté d’une station Élan. J’en profite pour donner des nouvelles à ma douce Marielle qui me suit assidûment grâce à mon tracker personnel. C’est bon de se savoir suivi du Québec dans ce monde hyper connecté. 

Y a déjà du monde au pit stop

Km 75: Senonches, 20h45. Beau coucher de soleil en traversant le village. Je roule en groupe avec diverses nationalités, dans un flot incessant de randonneurs. 

Merci pour le soutien des gens au bord des routes

Merci aux cyclos avec qui j'ai roulés

Arrivée à Senonches au soleil couchant

Km 86: Neuilly sur Eure, 21h15. Je m’arrête pour m’habiller pour la nuit et mettre mes lumières. J’en profite pour manger un gâteau de riz. Puis je repars en poursuivant quelques grappes de cyclos qui foncent dans la noirceur. 

La valse des loupiotes rouges commence

Km 99: Longny au Perche. Le relief des Alpes Mancelles s’en vient, c’est écrit sur le panneau routier. Les pelotons ralentissent, chacun monte à son rythme sous un éclairage blanc et rouge. J’aperçois des indiens et des pakistanais qui n’ont pas de cales aux pédales, bravo à eux, de vrais braves. 

Traversée des Alpes Mancelles by night

Km 115: Juste avant de rejoindre Jack, il m’arrive une grosse frayeur. En pleine descente, ma loupiote avant s’éteint soudainement. Je me retrouve à 30 à l’heure dans le noir. Heureusement que quelques cyclos en avant de moi, me trace le chemin à suivre. Je freine promptement pour stopper net. Je constate que ma batterie s’est desserrée car elle avait perdu son joint anti-vibration. 

Fin de la 1ére étape, faut manger et dormir un peu

Km 118: Mortagne au Perche, 23h00. Le point de RV est atteint. Jack me filme et me congratule. Il a acheté une délicieuse pizza bien chaude que je dévore avec appétit. Un léger somme de 30 minutes est prévu à l’arrière du camion sur un bon matelas dans un sac de couchage. Vers minuit, je repars en passant le ravito du contrôle ou on ne pointe pas à l’aller, seulement au retour. 

Animation à Mortagne, pas de contrôle à l'aller

Stats Garmin étape 01

Lundi 19 Août 2019 




Plan de match étape 02

Km 142: Mamers, 01h00. Le profil tourmenté du Perche nous fait monter et descendre au rythme des kilomètres. J’ai la pêche à cette heure tardive. La procession silencieuse blanche et rouge s’enfonce au plus profond de la nuit, seul le bruit des roues libres se fait entendre. Le vent est quasiment tombé, c’est beaucoup moins demandant pour avancer. 

Le chant des roues libres dans la noirceur

Km 164: Petite pause à Meurcé pour recharger les muscles en énergie. 

Km 170: Beaumont sur Sarthe, 02h15. La traversée des bourgades éclairées nous sort un peu de notre torpeur, ça fait changement de la campagne endormie. Un stand de ravitaillement attire bon nombre de clients randonneurs, j’hésite à m’arrêter car je viens de stopper il y a peu. Il faut avancer tout de même, je suis juste dans les temps de mon horaire prévu. 

Les points de ravitaillement sont toujours appréciés

Km 190: Fresnay sur Sarthe, 03h30. Dans la lueur des lampions, je vois arriver Guy M, l’ami québécois de Gatineau. Ça fait du bien de voir une tête connue, nous en profitons pour jaser et faire un bout de route ensemble. 

À l'occasion d'une pause, je rencontre Guy

Km 212: Averton, nous terminons l’ascension de la bosse locale. Puis je perds Guy dans la descente qui nous amène au premier contrôle officiel. 

Km 217: Villaines la Juhel, 04h45. Je rejoins le point de ralliement au camion en prévenant Jack que je vais d’abord faire signer mon carnet de route. De retour avec fiston, je me déleste des chaussures, gants, casque pour me mettre au chaud dans le sleeping bag. J’avale de quoi remettre de l’essence dans le réservoir de glycogène puis je m’assoupis pour un somme d’une petite heure. 

Fiston m'attend de pied ferme à Villaines

Père et fils unis pour un même objectif

Je rouvre les yeux et me ré équipe pour une journée de joyeuse pédalée vers Loudéac. Ce soir, je dormirai dans un lit, faut bien se fixer des objectifs réjouissant. 06h30, je franchis les bips électroniques dans la cohue du contrôle de Villaines, c’est reparti dans la campagne aux lueurs blafardes. 

Dans la cohue du contrôle de Villaines

Passage des bips au petit matin

Villaines, double ville étape du PBP

Stats Garmin étape 02

Point des Québécois à Villaines la Juhel

Étape 03 - Villaines la Juhel à Fougères - 89 km - Total 306 km 



Plan de match étape 03

Km 228: Hardanges, la nuit est fraîche aux petites heures du matin, j’enfile mon coupe vent ainsi que ma cagoule pour ne pas attraper froid. Le parcours fléché nous indique la direction de Brest. J’attaque la côtelette de 3 km ou chacun s’échine à sa vitesse 

La campagne blanchit sur un asphalte impeccable

Km 235: Le Ribay, encore des côtes, je monte à mon rythme sans essayer de suivre quiconque, ce serait une erreur. Je suis redevenu raisonnable après mes excès du départ. 

Chacun se réveille et cherche un endroit pour déjeuner

Les premières ombres du jour apparaissent

Km 258: Ambrières les Vallées, 08h30. Première pause gâteau de semoule et coke, je suis affamé. Faut reprendre des forces, fichtre. Un couple de japonais vient me tenir compagnie. Leur Fuji est aussi de sortie, je ne suis pas le seul kid Kodak. 

Joli point de vue à Ambrières les Vallées

J'y fais une pause réconfortante, riche en calories

Un couple de japonais a aussi choisi mon spot

Km 272: Gorron: Éole s’est aussi levé, il se dresse devant nos roues. Il n’est pas trop puissant mais suffisamment pour nous épuiser à petits feux. Je navigue d’un paquet à l’autre à la recherche du bon tempo. Des italiens, un brésilien sont accrochés puis décrochés. 

Un coup de barre et ça repart

Un bon cyclo brésilien transporte toujours ses gougounes de plage

Des grandes lignes droites se présentent, vent dans la gueule, on se protège comme on peut. On révise les positions de l’éventail comme dans les coups de bordure des courses de pros. J’ai la douloureuse impression que l’aller vers Brest sera plus dur qu’en 2015. Prions pour que le vent reste d’ouest au retour, pour l’avoir dans le dos ! 

On poursuit notre progression dans cette jolie Normandie

Révision des positions à vélo pour avancer dans le vent

Km 280: Lévaré, 09h45. Nouvelle pause énergétique, une salade parisienne arrosé du même coke que j’avais emporté, est engloutie, tranquillement installé au soleil. Celui-ci est le bienvenu, il réchauffe mes pauvres os refroidis. Je regarde passer mes camarades de combat. Je ne suis pas le seul à en chier, ça me console un peu. Tous dans la même galère. 

Pause saladière and coke ...

... en regardant passer mes camarades de souffrance

Km 303: Nous rattrapons la Nationale 12 pour débouler sur Fougères par commandos dispersés. L’asphalte en pente douce, est très roulant. Du coup, on se fait plaisir en enfilant les rond points à vive allure, tels les coureurs du Tour de France. 


En tête d'un groupe sous un ciel changeant

Nous enfilons les ronds-points à vive allure

Km 306: Fougères, 11h00. Je vais à la recherche de Jack qui m’attend sur la route du checkpoint. Le voici qui me prend en photo. Je valide mon carnet et nous repartons ensemble vers l’oasis du camion. Alimentation et repos s’imposent car ces 300 premiers kilomètres ont été assez éprouvants. Je n’ai pas très faim, pourtant je dois ingurgiter les bonnes choses que me donne mon gentil cook, pain au chocolat et cookies. Le manque de sommeil se fait aussi ressentir alors je somnole un peu. Cependant, je dois faire attention à mon planning horaire. 

Va et vient vers le checkpoint du km 306

Jacques-Antoine me mitraille sous toutes les coutures

Coté physique, mon bas de dos me semble toujours fragile, faut que je fasse attention. Je ressens également des lassitudes dans le bras droit. Elles reviennent me hanter comme elles l’ont faites tout au long des brevets 2019, va falloir surveiller ça de près. Je me remets en selle avec une belle envie de numéro 2, très urgente. Je n’ai pas le goût de retourner dans le tumulte de l’organisation, je verrais ça en route. 

L'organisation du PBP est toujours au top

Le repos du guerrier

Stats Garmin étape 03

Point des Québécois à Fougères

Étape 04 - Fougères à Tinténiac - 54 km - Total 360 km 



Plan de match étape 04

Km 308: Dans la traversée du centre ville, j’ai la chance de trouver des toilettes publiques gratuites, propres et surtout libres. À ma sortie, je rencontre par hasard, Catherine, la femme de Fred. Elle fait du tourisme tandis que lui s’exerce au cyclotourisme. Elle me raconte les mésaventures de son homme. Il est d'abord entré en collision avec un blaireau breton, et ce n'était pas Bernard Hinault. Puis, il a chuté malencontreusement, en dérapant sur une bordure. Heureusement, pas de casse corporelle mais juste ses cales brisées qu’il a dû changer grâce à un bon samaritain. Encore un qui aura de belles histoires à raconter lors des veillées hivernales. 

C'est reparti dans les faubourgs de Fougères

Rencontre inespérée de Cath, la femme de Fred

Km 314: De nouveau sur mon bécyk, nous nous extirpons de Fougères en petits comités. Nous retrouvons de charmantes routes bucoliques et peu passantes. L’étape est courte, seulement 54 km, j’appuie sur le champignon. 

Nous nous extirpons de la ville à proximité du château

J'appuie sur le champignon pour cette courte étape

Km 320: St Hilaire des Landes. Échange de relais avec une bretonne et un puissant slovène, nous roulons forts malgré le vent en contresens. Notre coopération dure une bonne dizaine de kilomètres. 

Belle coopération avec une bretonne et un slovène

Km 336: Sens de Bretagne, 13h30. Pause méritée de 15 minutes ou je m’enfile un bon sandwich préparé par Jacko. Je me suis arrêté sur une place de village ou se dresse un petit marché de fruits et légumes. Le marchand fait son beurre avec tous ces cyclos en quête de vitamines bien fraîches, car certains commencent à être tannés des barres énergétiques. 

À Sens de Bretagne, y a des cyclos dans tous les sens

Marché de fruits et légumes frais, miam les vitamines

Km 340: Je repars seul, vent dans la schtroumpf, faut appuyer sur les pédales. À Feins, j’aperçois les photographes de Maindru qui shootent méthodiquement tous les participants, Eux aussi font leur pain et leur beurre avec le PBP. Faut dire que ça fait de magnifiques souvenirs à regarder lorsqu’on aura des cheveux blancs. Et pour la plupart d’entre nous, c'est tout de suite et maintenant. Pour information, la moyenne d’âge de participation sur les presque 7000 randonneurs est de 50 ans, étonnant non. 

Sourire au photographe et pose pour la postérité

Km 360: Tinténiac. Je rattrape un peloton qui me permet de rallier le contrôle à 14h45. Je file pointer ma carte, c'est pas mal la folie dans l'organisation. 

Je navigue de peloton en peloton

Chus ben content de retrouver Jack qui s'est garé près d'une rivière où sont amarrées des péniches. C'est un charmant endroit pour farnienter. Mon cuisinier personnel m'a préparé une tranche de pain où se retrouvent poulet, avocat, concombre, fromage comté, mayo. Bien appétissant tout ça. Je me relaxe ensuite avec un somme d'une vingtaine de minutes à l'arrière du truck. Puis je me rebooste pour un nouveau départ, il est 16h00. 

Joli arrêt déniché par Jack au bord d'une rivière

Requinqué, c'est l'heure de repartir

Stats Garmin étape 04

Point des Québécois à Tinténiac

Étape 05 - Tinténiac à Loudéac - 85 km - Total 445 km 



Plan de match étape 05

Km 370: Vers 16h30, j'aperçois un Randonneur Canada dodelinant de la tête dans la côte menant à Bécherel. C'est l'ami Gaby qui monte la bosse à son rythme, c'est à dire comme un escargot. Qui joue du piano, va sans anneau, c'est la devise de ce polyglotte averti. Il me semble peut-être lent, mais force est de constater que nous sommes au même point après 24 heures de vélo. Tanné depuis un bout d'entendre les vibrations de ma caméra, je décide de la retirer du guidon pour la mettre dans ma poche. Je filmerai à main levée pour les prochaines séquences. 

Rencontre avec Gaby qui monte les côtes à son rythme

Le réalisateur en pleine action

Km 386: Le saute-colline continue. Le contrôle secret tant attendu n'aura pas lieu cette année à Quédillac. Il y a même une pancarte qui indique No Control, trop marrant. Il y a cependant un stand ravitaillement pour ceux qui pensaient y faire une pause. Vers 17h15, je croise la 2ème équipe de Maindru Photo qui nous tire le portrait. Je photographie les photographes, c'est le gag de l'arroseur arrosé. 

Côtelette en arrivant dans le bourg aux belles maisons

Maindru Photo me shoote et me salue

Les arroseurs arrosés

Km 395: St Méen le Grand, 17h45. Je stoppe pour me sustenter et reprendre des forces. Je sors de ma sacoche, du riz au lait et du coke emporté. Je ne fais quasiment aucun achat dans les dépanneurs du coin, il y a tout ce qu'il faut dans le camion de Jack. C'est l'avantage d'avoir un accompagnateur, c'est le luxe du randonneur. Je poursuis sous un ciel qui se charge en nuages. Quelques gouttes isolées caressent nos carcasses qui s'arcboutent contre les éléments venteux. 


Triskell breton, pratique pour un banc à 3 places

Retour à la civilisation à St Méen le Grand

Km 417: 19h15, je m'arrête épuisé après le long faux plat éventé menant au village de Ménéac. Tout le monde a l'air d'en baver. Nous ne sommes qu'au tiers du parcours du PBP, ça promet pour la suite. Je remplis mécaniquement mon estomac d'une saladière et de bulles sucrées. Il me faut toujours du fuel pour poursuivre l'aventure. Le soleil redonne signe de vie. 

La fatigue s'amplifie, les pauses se multiplient
Le vent nous souffle au visage, nouvel arrêt pour souffler

Km 435: Je parviens difficilement à m'accrocher à quelques cyclos. Une paire de polonais et un kiwi randonneur tout droit venu de Nouvelle Zélande, emmènent un paquet de souffreteux dont je fais partie. Nous sommes tous sur le même bateau, et vogue la galère. Que c'est beau un peloton international progressant vers un objectif commun. Ça change de la réalité politique. Nous atteignons ensemble La Chèze, encore 10 bornes à serrer les dents jusqu’au checkpoint. Ça sent bon l'écurie, c'est motivant. 

Km 445: Me voici au contrôle très embouteillé de Loudéac, il est 20h40. C'est la plaque tournante et stratégique du Paris-Brest. Beaucoup d'entre nous en ont fait l'endroit pour dormir, aussi bien à l'aller qu'au retour. Autant dire qu'il y a du monde dans le bourg. Je me dépêche de faire oblitérer mon ausweis pour pédaler rapidos jusqu'au Couett Hôtel distant de 2 km. 

Yeah, me voilà à Loudéac

Plaque tournante du PBP, ça va et vient dans tous les sens

Pause dodo sur l'herbe, moi ce sera au Couett'Hôtel

À la nuit tombante, je rejoins la chambre 11 au rez de chaussée, déjà occupée par Jack depuis un moment. Celui-ci m'a ramené un burger de chez WacDo que je mange à la va vite. J'accuse plus d'une heure de retard sur mon horaire avec ce vent défavorable et la fatigue accumulée. Ce sera une heure de moins à dormir si je veux rattraper le temps perdu, ce qui s'avèrera peut-être un mauvais calcul. Il vaut mieux bien récupérer pour être davantage efficace, la suite nous le dira. 

Douche, préparation des affaires pour tout à l'heure, coucher vers 22h00 pour deux heures de sommeil dans des draps frais. Je suis tellement absorbé dans mon break que j'en oublie de filmer le bivouac, il n'y aura aucune image du Couett Hôtel. Tandis que je m'assoupis, Jack va se distraire dans le camion avec ses jeux vidéos, tout en fumant un petit joint, à chacun son trip. 

Faut récupérer des protéines avant de se coucher

Mardi 20 Août 2019 


Le cadran sonne à minuit moins le quart. J'ingurgite un succinct petit déjeuner avec jus d'orange et sucreries. Je suis prêt au départ en 20 minutes chrono, mon Garmin indique 00h07 pour les premiers coups de pédale. Je récupère le parcours officiel en emmenant 2 asiatiques dans mon sillage, ils quittent l'hôtel eux aussi. Je suis relativement bien réveillé et il le faut pour cette portion très vallonnée du road book. Ce n'est pas un énorme dénivelé mais l’enchaînement de bosses et de descentes by night, rend l'étape difficile. 

Stats Garmin étape 05

Point des Québécois à Loudéac

Étape 06 - Loudéac à Carhaix-Plouguer - 76 km - Total 521 km 



Plan de match étape 06

Km 471: St Martin des Prés, 01h30. Première pause en haut d'un raidillon de 3 kms, je souffle un peu. Le grand cirque du PBP continue son périple à travers la lande bretonne. Quelques points d'agitation sur les places de villages éclairées sont les seules sources de bruit. 
Place de village éclairée, bon endroit pour une halte

Km 488: 02h45, j'atteins le fameux contrôle secret de St Nicolas du Pelem. Tellement secret qu'il est indiqué sur le carnet de route pré imprimé. Le local couvert et chauffé du checkpoint est envahi de gilets jaunes qui font la queue pour pointer et se sustenter. J'en fais partie, évidemment, attiré par le fumet d'un bon café au lait accompagné de savoureuses viennoiseries, tartelette et pain au chocolat. Je déguste mon butin sur les tables mises à disposition et fort achalandées. Elles servent aussi de plan de couchage pour grand nombre de randonneurs en dette de sommeil. 

Pointage au contrôle secret de St Nicolas

Café et viennoiseries constituent mon déjeuner

Tables pour manger transformées en dortoir

Km 511: Maël-Carhaix, 04h15. Je continue au beau milieu de la nuit, l'avantage à cette heure matinale, est que le vent nous laisse tranquille. Cela nous permet de traverser la noirceur sans trop de résistance. Le principal défi est de garder les yeux bien ouverts pour éviter tout danger inopiné. Notamment, échapper à de quelconques bestioles qui pourraient se pointer sous nos roues, n'est-ce pas Fred ! 

Km 521: Carhaix-Plouguer, 04h50. Enfin, voici le contrôle pour se remettre au chaud car les nuits sont fraiches en Bretagne. Je gare ma bécane dans le dédale du stationnement pour cycles. Mais que font tous ces tarés du vélo à cette heure où tout le monde dort. Je fais viser mon bout de carton, rencontrant l'ami JF Le Strat, déjà sur le chemin du retour. Il roule avec son club de Guipavas, un vrai TGV cette bande de locomotives, mais à quoi carburent-elles ? Pas de Jacko dans les parages, je l'ai laissé dormir à Loudéac, il me rejoindra à Brest. 

Rencontre avec JF le Strat, il est déjà sur le retour

Je grignote les vivres tirées de ma sacoche à une table, en compagnie d'un alsacien. Nous jasons de nos expériences du PBP, ce n'est pas son premier non plus, il est plutôt confiant pour la suite. À ce stade du parcours, je reste optimiste même si mon allure est moins rapide que prévue. Pas de panique pour les délais car j'ai prévu 86 heures pour rejoindre le point de départ, soit 4 heures de lousse en cas d'imprévu. Oui, il faut essayer de prévoir l'imprévu. Je vais même reprendre 30 minutes en écourtant mon arrêt. Me voilà en selle pour 05h30. Prochaine étape, Brest et le point de retour. On vire à la bouée puis on tire un autre bord vers Paris. 

Merci à tous les contrôleurs du PBP

Stats Garmin étape 06

Point des Québécois à Carhaix-Plouguer

Étape 07 - Carhaix-Plouguer à Brest - 89 km - Total 610 km 



Plan de match étape 07

Km 533: Poullaouen. La route descend en quittant Carhaix. La température chute drastiquement et je m’aperçois que je ne suis pas très bien couvert. Je suis habillé de mon coupe vent mais je n’ai pas emporté ma cagoule qui me protège d’habitude la tête et le cou. Ce sera une autre erreur car je vais attraper une bonne crève par la suite. Le thermomètre va d’ailleurs descendre jusque 1 degré, d’après mes stats Garmin. Diantre, nous sommes pourtant encore en été, qu’est-ce que c’est que ce réchauffement climatique ? Plusieurs groupes me dépassent sans que je puisse les accrocher. Je les laisse donc filer, impuissant, dans la côtelette qui se présente. J’ai du mal à me réchauffer, même en grimpant. Pour couronner le tout, il m’est pénible de garder les yeux ouverts. 

Km 544: 06h45, j’atteins le joli village de Huelgoat, déjà visité par le passé, qui est situé au bord d’un lac. Des vapeurs s’élèvent au dessus de sa surface au lever du jour, c’est dire la différence de température entre l’air et l’eau. Je pose mon vélo proche de l’onde, je suis congelé et je cogne des clous, signifiant que je lutte contre le sommeil. J’ingurgite une collation, je ne sais plus trop quoi, je suis entre deux eaux ! Et pourtant, je me dois d’alimenter la fournaise si je veux poursuivre ma progression. 

Des fantômes de vapeur apparaissent à Huelgoat

Je suis congelé et je cogne des clous

Km 560: J’attaque le long faux plat d’une quinzaine de kilomètres menant au sommet du Paris-Brest. Je rencontre l’ami Yvon qui repart de sa pause. Il me raconte son problème aux mollets, souvenir douloureux d’un récent Défi des 21, redoutable épreuve québécoise de 300 bornes, comportant 21 côtes. 

Rencontre avec Yvon qui souffre des mollets

Auto portrait au petit matin sur le Roch

Km 588: Roch Trevezel, 07h45. Je filme Yvon arrivant en haut des 350 mètres d’altitude ou se dresse un pylône de télécom, comme si on avait atteint l’Everest de l’événement. D’autres cyclos passent en sens inverse, déjà sur leur retour. La lune observe le spectacle, le temps est suspendu, l’instant est magique. Fin de mon état poétique. J’entame la longue descente en pente douce qui conduit à un autre beau village de cette randonnée. 

Tour télécom au point cuminant du PBP

Youpi, bientôt la longue de descente vers Brest

Km 574: 08h30, me voilà à Sizun, encore un point de concentration de randonneurs ou se croisent ceux qui vont vers Brest et ceux qui en reviennent. Je vais me chercher de quoi bouloter dans une boulangerie pâtisserie. Et hop, un Paris-Brest bien crémeux, un gland vert glacé, arrosé d’un coca cola, SVP, merci madame. Je m’installe à une table à l'extérieur pour déguster mon déjeuner. Je regarde le spectacle de ces âmes errantes, fourbues et épuisées, mais ô combien heureuses de participer à ce rassemblement de masse. J’aurais bien aimé faire un petit somme avant de repartir mais l’heure tourne. Le temps n’est plus à la béate contemplation. Je mets donc le cap sur Brest, distant d'une trentaine de bornes. 

Sizun, un de mes villages préférés du parcours

Paris-Brest bien crémeux et gland vert glacé

Km 583: L’astre solaire est de retour, tant mieux, il est toujours le bienvenu. Il darde ses rayons pour réchauffer nos carcasses. Au Queff, je m’arrête justement pour me délester de certaines couches. Je retire mes gants longs pour rouler à mains nues. En effet, mes gants courts me semblent trop paddés et me font mal aux paumes. Encore une autre erreur d’utiliser du matériel non testé avant une longue épreuve. 

Km 596: Du côté de Loperhet, l’euphorie d’arriver à Brest, m’emmène encore dans les folies. Je m’accroche à des groupes rapides, effectuant quelques segments à bonne allure. J’en oublie la fatigue et la douleur qui commencent pourtant à se faire sentir, surtout au niveau du bras et de l'épaule droite. Du coup, la tenue du guidon devient problématique du côté le plus faible. Je suis gaucher de nature mais surtout, la partie droite de mon corps n’est pas revenue au même niveau de musculature, suite à mon AVC de 2002. Ceci explique cela. Du fait de cette gêne, je me positionne autrement sur le vélo, causant des frottements anormaux, se transformant en blessure à la selle. 

Km 603: Sous l’effet de l’adrénaline, nous fonçons jusqu’au vieux pont Albert Louppe, impossible de le louper. À l’ouest, c’est l’océan Atlantique et dans le fort ouest, c'est l’Amérique. Prochain village après Brest, c’est Québec ! Prise de vue obligatoire, comme le font d'innombrables cyclos touristes, qui savent qu’ils ont atteint le pont de retour du PBP. C’est déjà une victoire en soi. De l’autre coté, se dresse un pont plus récent qui ressemble fort à notre nouveau pont Champlain de Montréal, avec ses piliers et ses câbles tendus tels une voile de bateau. Nous redescendons au niveau de la mer pour remonter 100 mètres plus haut, dans le centre de Brest. 

Sur le pont Albert Louppe, au loin c'est l'Amérique

Au B du PBP, c'est déjà une victoire

Bien cuit après des rushs sur l'adrénaline

Km 610: En arrivant au checkpoint, j’aperçois Jack qui me filme. Toujours le même scénario, je me dirige rapidement vers le local des contrôleurs pour faire tamponner mon sésame, il est 10h56. C’est toujours la foire d’empoigne pour trouver une place pour garer son bicycle. Je m’extirpe de l’organisation pour rejoindre le camion salvateur. Je suis passablement épuisé alors que j’enregistre mon statut sur dictaphone, comme je le fais à chaque fin d’étape. J’ai de la difficulté à sortir mes mots et à articuler mes idées sur ce que je ressens, signe d’un état de lassitude notoire. Je dois vraiment me reposer et reprendre des vitamines pour la suite du périple. 

Jack est toujours fidèle au RV

Jack m’a encore préparé de bonnes choses à dévorer mais je dois me forcer pour les avaler. Je plonge ensuite dans une petite sieste. Mais ce sera court, comme je suis arrivé à l’heure ou je devais normalement repartir. Bien que je n’ai que 1h30 de retard, je panique un peu dans mon état actuel de fatigue. Vers midi, je me décide à remettre en route. J’ai encore une envie pressante dans la région des intestins, je chercherai un endroit en chemin. 

Le lycée de Brest constitue notre bouée pour virer de bord

Stats Garmin étape 07

Point des Québécois à Brest

Étape 08 - Brest à Carhaix-Plouguer - 84 km - Total 694 km 



Plan de match étape 08

Km 617: Guipavas, 12h30. Dans le dédale des rues brestoises, pistes cyclables et autres ronds-points, nous nous frayons notre route par petits groupes de mercenaires. Nous nous arrêtons à chaque lumière de circulation, cela me permet de constater l’état des troupes. Chacun gère sa fatigue comme il le peut. Je ne trouve pas de toilettes publiques pour déposer mon bilan, comme j’en avais eu l’occasion à Fougères. 

En route pour Paris, plus que 600 bornes

Randonneurs disciplinés stoppés aux lumières de Guipavas

Km 621: De retour dans la campagne, je scrute les environs pour dégoter un spot propice à mon besoin qui ne peut plus attendre. Un champ de mais fait mon bonheur, je n’hésite pas à baisser mes culottes, façon MC, carrément en vue de la départementale fort passante. Mais à ce stade d’épuisement, mon niveau de pudeur a nettement diminué. Enfin allégé, je file bon train vers le prochain village. Je constate que le vent est plutôt favorable, ce qui est bon signe pour le retour. 

Km 629: Landerneau, 13h00. Je traverse le gros bourg breton situé sur les bords de l’Elorn, y a de l’animation icitte. D’après mon GPS, nous sommes à l’altitude 0, il va donc falloir remonter les 350 mètres de dénivelé jusqu’au Roch Trevezel, d’où des côtelettes en perspective. 

Gros bourg breton de Landerneau

Altitude 0, va falloir remonter à 350 mètres

Km 634: J’entame la bosse à la sortie de la ville. Ce n’est pas bien raide mais je m’aperçois que j'ai vraiment de la misère à tenir le guidon de ce foutu côté droit. Je m’arrête pour remettre mes gants courts, pensant cela pourrait être une des causes du problème. Je fais d’autres pauses brèves pour me soulager un peu. Mais lorsque je repars, le mal revient presque aussitôt. Merde alors, que faire ? Cela me tombe dessus comme un cheveu sur la soupe. Ce n’était pas prévu dans mon plan de match, en tout cas, pas ce genre d’incident. Péniblement, j’en termine avec le raidillon et bascule vers le prochain village. Là, je pourrai faire le point de la situation. 

Km 646: Me revoilà dans ce charmant village de Sizun, 2éme passage, il est 14h15. Je m’engouffre dans une épicerie pour m’enfiler une tablette de chocolat arrosée d’un Orangina, pour faire changement du coke, car plus capable de ce liquide. J’essaie d’analyser ce qui m’arrive physiquement. Le mal latent du côté droit, s’est amplifié à tel point que j’ai probablement endommagé l'ensemble muscles, ligaments, tendons. C’est toujours compliqué de diagnostiquer ou exactement. La longue montée vers le Roch Trevezel va me permettre d’évaluer ma douleur. Va falloir savoir si c’est supportable et si je peux endurer ça jusque Paris, distant de 550 bornes ! 

Sizun, 2ème passage, toujours autant animé

Randonneur mort ... de fatigue

Pour oublier mes soucis, j’observe l’effervescence des autres participants qui arrivent de tout bord, tout coté. Je filme un cyclo qui dort à même le trottoir, comme s’il était mort ... de fatigue. J’ai vraiment envie de continuer à côtoyer cette superbe ambiance de folie mais mon corps en sera-t-il capable ? 

Km 650: Je repars pour le long faux plat à 3% de moyenne vers le géant de Bretagne. Je dois faire des pauses tous les 3 kilos car la douleur se fait de plus en plus insistante. De plus, mon mal de cul me force maintenant à me lever de la selle à intervalles fréquents, ce qui n’arrange rien. Je n’avance plus très vite, aussi bon nombre de randonneurs me double. Ça devient frustrant et le moral en prend un coup. 

Km 662: De peigne et de misère, j’atteins le sommet vers 15h30. Tout allait si bien ce matin quand j'y suis passé avec Yvon du Richelieu. Un rapide calcul me fait comprendre que je n'ai parcouru que 74 kilomètres en 8 heures, soit moins de 10 km à l'heure. J'ai maintenant 2 heures de retard sur ma feuille de route et ça ne va pas aller en s'améliorant. Je regarde passer les paquets de cyclistes en pensant qu'ils sont bien meilleurs que moi. Un sentiment de tristesse m'envahit. 

Remontée au Roch Trévezel, les pelotons me dépassent

Ouille, les bobos s'accumulent pour Bibi

Km 682: J'ai amorcé la longue descente à toute vitesse, en me faisant plaisir. J'effectue une énième pause sur le bas côté de la route car on ne traverse pas trop de bourgades sur le retour à Carhaix. Assis dans l'herbe, je me délecte d'un croissant aux amandes que m'avait acheté Jack, arrosé du sempiternel coke. 

Une énième pause pour récupérer de l'énergie

C'est super, je n'ai plus mal au bras lorsque ça roule tout seul dans la pente. La douleur me rattrape bien vite quand la route s'élève. 

Retour vers le checkpoint dans la douleur

Incapable de tirer sur le guidon dans les petites bosses qui me ramènent au prochain contrôle. Mes pauvres jambes, qui jusque là allaient très bien, sont obligées de fournir un double effort pour me faire avancer. À ce prix, je commence à avoir les cuisses en feu, pas bon pour la suite. Une ultime côtelette finit de m'achever, ce sera peut-être ma dernière du PBP. Enfin, j'arrive à l'étape. 

Km 694: Carhaix-Plouguer, 17h15. Je m'arrête au camion et explique à Jack ce qui m'arrive. Je pars ensuite dans les locaux de l'organisation pour pointer machinalement mon carnet. Je demande à voir un médecin afin qu'il m'ausculte la région endolorie, mais il ne voit rien d'apparent. Il diagnostique une probable tendinite dont le seul remède est le repos. Je n'ai pas la présence d'esprit de lui demander un anti-inflammatoire qui pourrait endormir la douleur pendant quelques heures. Mais à quoi bon ? J'ai pris ma décision, je vais arrêter là. Déçu et résigné, je retourne aux contrôleurs pour déclarer mon abandon, ils le mentionnent sur ma carte de brevet. 

Contrôle de Carhaix, je file voir le médecin

Tendinite à l'épaule, c'est la fin pour le randonneur G028

De retour au camion, j'annonce tristement à fiston que mon PBP 2019 se termine ici. Je lui fais un topo de tous mes bobos rencontrés depuis mon dernier passage à Carhaix, la tendinite côté droit, la blessure à la selle, le mal au bas du dos persistant, le manque de sommeil évident. C'en est trop pour un seul homme dont le moral est au plus bas. Surtout que je me vois mal repartir pour la prochaine étape vers Loudéac. Avec ses bosses s’enchaînant sur 90 bornes puis la noirceur et la fraîcheur à affronter pour finir. Après coup, je me dis que j'aurais peut-être dû essayer de prendre des anti-douleurs pour repousser la souffrance. Mais je n'ai jamais fonctionné avec de tels subterfuges. Ce n'est pas dans ces moments pénibles que j'aurais commencé. 

J'enregistre une dernière fois le résumé de l'étape sur le dictiPhone, cela me servira pour mon futur récit. Jack filme à chaud, l'interview que j'inclurai sûrement dans mon film. Étonnamment, j'ai peu d'amertume. Je sais pertinemment que ce serait dangereux de continuer avec un organisme nettement diminué et trop de fatigue accumulée. 

Notre héros bien émoussé, lors de l'interview finale, cruel débriefing !

Alors que nous remballons les affaires dans le camion, je vois arriver Gaby. Je lui raconte mes soucis et surtout la fin de mes aventures au PBP 2019. Comme il est parti de Rambouillet en même temps que moi, je lui conseille de ne pas trop trainer pour rejoindre la base, sous peine d'être hors délai. Malheureusement, c'est ce qu'il lui arrivera pour 9 petites minutes. L'écoulement inexorable du temps est parfois impitoyable. 

Vers 18h, confortablement éfoiré dans le camion, Jack nous ramène au Couett Hôtel de Loudéac. Nous avons encore notre chambre 11, celle que j'aurais dû rejoindre à vélo vers minuit d'après mon retard. J'y prends une douche, je me change. Puis nous allons savourer une bonne galette bretonne à la Galettoire, dans le centre ville. Cela récompense mon fidèle accompagnateur, même si sa mission s'arrête aussi. Il faut relativiser et prendre les choses du bon côté. Après notre délicieux souper, je vais me coucher vers 22h pour un repos bien mérité. 

Je me réveillerai 12 heures plus tard car il nous faut rendre la chambre et quitter ce motel à la française. 

Stats Garmin étape 08

Point des Québécois à Carhaix-Plouguer

Mardi 21 Août 2019 


Nous rapatrions la base de Verneuil, retrouvant plus tôt que prévu, mes chers Marie et Florent. 

Mon PBP 2019 s'achève ainsi. 

Les autres étapes des Québécois








Le bilan final des Québécois



Point final des Québécois au PBP 2019

Que s'est-il passé pour mes amis québécois, qu'ils soient pure laine ou assimilés, lors de ce PBP 2019 ?

1- À tout seigneur, tout honneur ! En tête du classement final, c'est Olivier J en 66h43. Est-ce une surprise de le retrouver en pôle position ? Pas vraiment, au vu de ses récentes performances. En 2018, il était 1er au 1000 km d'Ottawa puis en 2019, il a pas mal roulé à l'avant, avec des gars costauds. Il a su tirer son épingle du jeu, cette fois-ci. Il a surtout pris sa revanche sur 2015. En effet, il avait été le premier de la gang à abandonner après 350 bornes, suite à un problème au genou. Comme il le dit lui-même dans son récit de 2015, les PBP se suivent et ne se ressemblent pas. Je le confirme. Il faut lire son récit de 2019 dans lequel il raconte sa belle réussite.

À noter qu'on aurait pu mettre en tout premier, un autre frenchy, ex-membre du CVRM qui s'est expatrié auprès des Randonneurs UK. Il s'agit de Claude B, pour ceux qui le connaissent. Il a pulvérisé le chrono en 46h56, ce qui le met au 15ème rang du PBP, toutes catégories confondues. Un véritable extra-terrestre, le Glaude !

2- Monsieur le Président, Jean est toujours fidèle au RV du PBP. Il prend la 2ème place avec un excellent temps de 74h53. Il voulait réaliser la distance en moins de 72 heures, soit 3 jours, mais les rudes conditions ont eu raison de ses espérances. Rappelons pour mémoire, ses temps aux dernières participations. 70h33 en 2015, 69h43 en 2011, 84h01 en 2003, son premier PBP. Serait-il en déclin, faudrait-il le destituer le président ? Bien sûr que non, c'est une joke, mon Jean. Qui aime bien, châtie bien ! Rapportons une anecdote au sujet de sa roue avant qu'il avait emmenée sans dynamo, donc sans possibilité d'éclairage pour la nuit. Et bien, il s'est débrouillé pour en retrouver une, in-extremis, qu'il a d'ailleurs retourné au propriétaire, après usage.

3- C'est une jeune recrue du CVRM qui s'empare de la médaille de bronze. Jeune pour un randonneur émérite car Jonathan a juste la trentaine, avec toutes ses dents et des poils aussi. Sa résistance et sa polyvalence sur tous les terrains lui ont permis de bien négocier son premier PBP. C'est un adepte du couche-toi n'importe ou, il emmène son stock de couchage avec lui. Bravo Jo pour tes 75h10.

4- Étonnant de retrouver Fred, la fusée du club, à cette place, pour la médaille en chocolat. Malgré ses mésaventures multiples, coup du blaireau dans la roue, chute nocturne sur bordure, bris de cales, il a su rebondir par rapport à 2015. Lui aussi avait dû abandonner à mi-parcours, épuisé, écoeuré. Cette année, il n'a pas lâché le morceau malgré l'adversité. Il avait trop à coeur de terminer l'épreuve, coûte que coûte. Et il a réussi à le faire, avec un chrono de 75h30, ce qui est fort honorable pour n'importe quel randonneur du PBP.

5- C'est le recordman des participations à l'Ultra Défi des 1000 km au Québec, au nombre de 5 il me semble, qui se hisse dans la première moitié du classement. Yvon était pourtant fort mal en point quand je l'ai croisé au Roch Trévezel, à cause d'un mollet récalcitrant. Mais il a su trouver les ressources, et peut-être aussi les bonnes pilules, pour contrer la douleur et remonter ses petits camarades, les uns après les autres. Un dur de dur, le seigneur du Richelieu, qui termine en 76h12, pour sa première participation au PBP.

6- Une honorable place pour le gars le plus discret mais fort sympathique du club, c'est Martin D. Il ne fait pas de bruit mais il écrase les pédales quand il le faut. Bravo pour tes 77h42, en amélioration constante à coup de 5 heures, depuis sa première participation, soit 82h58 en 2015 et 87h06 en 2011.

7- La locomotive du CVRM, j'ai nommé Olivier C, améliore aussi son temps à sa 2ème participation, soit 77h58 en 2019 et 88h36 en 2015. À mon avis, il peut encore faire beaucoup mieux, s'il sait bien gérer son sommeil et son alimentation. Je me souviens l'avoir croisé en 2015, du côté de Carhaix, en fort mauvais état.

8 ex aequo- Voici les deux autres morceaux du trinôme infernal, dont les initiales sont MOM, qui ont effectué le trajet d'Amsterdam à Paris pour s'échauffer avant le PBP. Marc et Michel (M&Ms) terminent avec un temps de 84h56, en recul pour Marcus qui avait fait 83h13 en 2015. Pour Michel, la deuxième recrue, c'était la découverte du PBP, il s'en est bien sorti et l'a surtout complété. D'après leurs temps par étape, les membres du trio ont dû rouler solo par moment, ce qui est assez surprenant.

10- L’ami Guy de Gatineau, qui est bien situé au Québec quoique proche d’Ottawa, termine un peu essoufflé au final, avec un chrono de 87h27. Quand je l’ai croisé du côté de Villaines la Juhel, vers le km 190, il m’avait confié qu’il voulait rouler le plus longtemps possible avant de dormir. Il était pourtant bien parti mais la fatigue et le sommeil ont dû le rattraper au retour. Il améliore cependant son temps de 2015 de 88h26, soit une petite heure de gagnée. Guy est un gars bien sympa, qui est venu faire ses brevets de qualification à Montréal car il trouve l’ambiance conviviale. Dommage qu’il doive parcourir 500 km en auto, pour venir rouler chez nous, sans cela, on le verrait plus souvent. 

11- JF, le baron rouge, a bien mené sa barque, ou son triplan, ou plutôt son bicycle. Rapidement isolé de ses congénères, tout comme moi-même, la troisième recrue a atteint l’objectif qu'il s'était fixé. Lentement mais sûrement, il a déjoué tous les pièges d'une telle épreuve, pour finir en 87h31, ce qui n'est pas mal pour une première fois.

12- L'infatigable Gaby prend la dernière place des finishers. Cependant, il est hors délai pour une poignée de minutes avec ses 90h09, joli décompte bien symétrique. Il a beau prétexté qu'il a perdu du temps en raison d'une interview de la télé nationale et aussi d'un fléchage au retour vers Rambouillet fort douteux, il n'a pas eu gain de cause auprès de l'organisation. Rien ne sert de courir, il faut partir à point, c'est certain. Mais il faut aussi arriver à temps. À mon avis, ses étapes gastronomiques chez l'habitant du côté de Loudéac, l'ont mis dans le rouge irrémédiablement. Rapportons également que notre Gaby national, a eu mal aux genoux après seulement 100 bornes, et qu'il a subi une incroyable envie de dormir. Il s'est aperçu bien plus tard, qu'il prenait de la mélatonine pour soigner ses bobos aux jambes, croyant que c'étaient des anti-inflammatoires. Ça lui apprendra à bien identifier ses boites de pilules miracle. Anyway, il a tout de même terminé le PBP. Je me serai bien contenté de son chrono, même si c'est out of time limit.

13- C'est votre serviteur qui termine à ce rang, sur abandon. Tout est raconté dans le présent récit, le pourquoi du comment, dans tous ses détails. Rien à ajouter, sinon juste que mon temps est meilleur qu'en 2015 ou j'avais fini en 88h05. En 2019, je n'ai mis que 47h47 ... pour 694 km seulement.

14- Nathaniel, notre ricain de service, réitère son exploit de 2015, en abandonnant à Brest, après 610 bornes en 50h36. Il a tout de même 2 bonnes excuses pour son échec. D'abord il a réalisé une traversée des Pyrénées de bord en bord, une semaine avant le PBP. Du coup, il est arrivé malade comme un chien, des Pyrénées, au départ de l'épreuve. Nath, it is Not the best way to succeed in PiBiPi !!!

Quelque soit le résultat, bravo à tous les participants du Québec, du Canada et du monde entier.

Olivier J et Bibi au départ du 1000 de 2018

Les 8 de Rambouillet, Nath, Yvon, Guy, Gaby, Jo, Bibi, Fred et le Président

Le Fab 5 du 1000 km de 2018, Mitch, Olive, Marcus, JF le Rouge et Bibi

Épilogue


Bilan physique et mental du PBP 2019 

Étais-je bien préparé pour réussir cette randonnée de 1200 km de légende, 4 ans après ma première participation ? 

Côté physique, je pense que oui. La réalisation des brevets qualificatifs a été faite sans incident majeur, les jambes tournent toujours aussi bien. Avec même un plus côté cardio, avec des entrainements hivernaux en intensité grâce à Zwift. Cette application connectée à mes capteurs de vélo, procure de la convivialité et surtout de la compétitivité. J'ai même réalisé des brevets Audax de 100 km avec des groupes du monde entier. C'est vrai que la simulation de puissance sur mon vieux trainer Tacx, était un peu faussée, mais cela me permettait de participer à de belles batailles durant les épreuves virtuelles. 

Cependant, un mal de dos dans la région des lombaires et des hanches a commencé à se manifester fin 2016. Cette année-là fut consacrée à la course à pied, avec l'objectif de re-courir le marathon de Montréal (42 km sur route) et un petit trail sur le Mont Royal (16 km sur chemin). À partir de cette période, il m'est arrivé plusieurs épisodes de blocage de vertèbres, ainsi qu'un douloureux nerf sciatique coincé en 2018. Je devais donc composer avec un dos fragile et effectuer les brevets en faisant bien attention à ne pas trop forcer de ce côté. 

Autre gêne apparu, ce furent des douleurs récurrentes dans le bras droit. Cela se manifeste par une lassitude à l'effort, supportable un certain nombre d'heures de selle, mais franchement handicapant au delà. C'est ce qui m'a été fatal lors de ce PBP. Je sais que le côté droit est le point faible de mon corps. D'abord car je suis gaucher, ensuite à cause d'un foutu AVC qui s'est polarisé à droite, me rendant hémiplégique pendant 6 mois durant le long hiver 2002-2003. 

Côté matériel, ayant investi dans une bicyclette plus performante, je me suis sensiblement amélioré dans certains domaines. Au vu des moyennes réalisées sur les brevets, j'ai constaté être plus véloce sur courtes distances alors que j'ai stagné sur les plus longues. Mon léger changement de position, c'est à dire plus haut sur la selle donc retombant davantage sur le guidon pour améliorer l'apéro dynamisme, explique sûrement mes douleurs au bras droit. 

Côté mental, j'étais bien décidé à réussir ce 2ème PBP car je n'aime pas échouer dans ce que j'entreprends. J'ai toujours à cœur d'aller au bout de mes projets, tant qu'ils sont bien planifiés et préparés. Mon côté professionnel de chef de projet y est aussi pour quelque chose. L'ami Marcus du CVRM m'a d'ailleurs surnommé monsieur Excel pour les tableaux feuille de route que j'emmène pour chaque brevet. Jean aime aussi se moquer du coté trop mathématique de mes préparations. Mais que voulez-vous, je suis comme ça. 

Depuis 2015, je m'étais mis en tête de refaire le PBP, donc j'ai remis en route sérieusement à partir de 2018. J'ai réussi un 1000 km cette année-là, pour me remettre en confiance sur les longues distances. Cependant, la motivation que j'avais connue lors de ma préparation pour 2015, s'est un peu effritée. J'avais moins le goût de me réveiller aux aurores, dans n'importe quelles conditions météo, pour passer des heures sur le vélo, dans des situations parfois risquées, à rouler sous la pluie, dans la nuit, parfois les deux en même temps. La célèbre question du sportif extrême 'Pourquoi on fait ça?' est revenue me hanter à plusieurs reprises. Je me disais que je n'avais plus rien à me prouver, je l'avais déjà complété avec succès, le reste était du bonus. 

Peut-être que les avertissements physiques ont fait perdre confiance en mes moyens pour réussir. Ma participation 2019 l'a certainement confirmé. Pas sûr dans la tête et moins bien dans le corps, ne sont pas des facteurs positifs pour aller jusqu'au bout. En 2015, je me disais qu'abandon était un mot à proscrire de mon vocabulaire. En 2019, je commençais à considérer l'abandon comme une option, même si j'étais remonté à bloc pour ne pas échouer. Malheureusement, mon corps n'a pas voulu me porter jusqu'à la ligne d'arrivée et je l'ai écouté. C'est comme ça, c'est la vie ! On a l'âge de ses artères et surtout, de son squelette. Sûrement que ma constitution est moins robuste que celle de mes compagnons, je dois l'accepter. 

Bien sûr, j'aurais pu booster mon organisme avec des anti-machins ou autres substances chimiques. Mais à quoi bon réussir avec des moyens artificiels ? C'est triché à soi-même. Ce ne sera jamais dans mon éthique de l'effort et du sport. 

Déroulement de mon PBP 2019 et comparaison avec 2015 

Contrairement à il y a 4 ans ou je suis parti prudemment, je démarre sur les chapeaux de roue, entraîné par mes 4 acolytes. Après une heure de contre-la-montre, je me calme et continue solo. Est-ce que je perds des plumes lors ce rythme élevé dès le départ, je ne pense pas. Je fais bien de décrocher pour me remettre dans ma bulle de confort. 

Cependant, les conditions météo sont mitigées. Il ne pleut mais un vent régulier souffle d'ouest. Cela met les organismes en tension musculaire permanente pour l'aller. En 2015, Éole avait été mon allié jusque Brest puis il a tourné en même temps que moi, vers Paris. Cette année, il faut donc rouler en paquet pour ne pas s'épuiser en solitaire dans la rase campagne. 

La première nuit est passée sans trop de souci sauf que je n'arrive pas à récupérer de sommeil malgré quelques sommes par ci, par là. Serait-ce mon arrivée trop rapprochée en France, il y a 3 jours, et mes couchers trop tardifs qui m'auraient perturbés ? En 2015, j'avais atterri une semaine avant et j'étais plutôt bien reposé au départ de St Quentin. 

La deuxième journée vers Loudéac est éprouvante, toujours le vent contraire qui s'intensifie par moment. Cela ne nous laisse aucun répit pour avancer, les organismes s'usent prématurément. 

Ma deuxième nuit de 2 heures à Loudéac n'est pas suffisante pour reprendre du poil de la bête. Je repars de nuit vers l'océan, étant mal couvert. J'ai oublié mon passe-montagne et je grelotte comme une crotte dans la noirceur vers Carhaix puis le Roch Trevezel. En 2015, je n'avais pas tant souffert du froid. 

Sur la route de Brest, mes problèmes physiques apparaissent, mal au bras, mal au cul. Ça s'intensifie par la suite pour me mener à l'abandon à Carhaix au bout de 700 bornes d'effort. Il y a 4 ans, aucun signe de fatigue n'était apparu à ce stade du parcours. Tout allait bien physiquement et mentalement, là c'est tout le contraire. En 2015, j'ai juste eu un coup de barre vers les 1000 bornes, bien négocié par la suite, en gérant ma fatigue par de courtes et fréquentes pauses. En 2019, j'ai donc arrêté, meurtri physiquement et atteint moralement. Triste constat ! Comme dirait l'ami Olivier J, les PBP se suivent et ne se ressemblent pas. 

Y aura-t-il un PBP 2023 ? 

Je pense que 2019 a été l'année ou je me suis écœuré de la longue distance. Mes atteintes physiques ajoutées à un manque évident de motivation vont mettre un sérieux coup de frein aux projets d'endurance à vélo. Comme certains de mes camarades l'ont faits après le PBP 2015, Yves et MC par exemple, j'ai plus le goût de rouler à bicyclette pour le fun, sans contrainte de temps et de performance. 

J'aime le vélo et je vais continuer de pédaler pendant de nombreuses années, tant que la santé me le permettra. Mais ce sera, dans un premier temps, pour découvrir de nouveaux horizons, de beaux paysages et des gens, sous forme de voyage. Je continuerai de rouler des distances de 200 voir 300 km, tant que cela reste sur une journée, sur des routes intéressantes et renouvelées. Je ne ferme pas la porte complètement aux brevets de longue haleine mais le poids des années ne devraient pas améliorer mes faiblesses physiques. Il faut être heureux dans le corps qu'on habite, même s'il possède des limites. 

Alors, PBP 2023 ? C'est très peu probable pour moi. Ce fut de très belles expériences à vivre mais je laisse ma place à ceux et celles qui ont toujours l'envie de se mettre au défi. Faire 1000 kilomètres et plus en une seule fois ne s'improvise pas. Cela demande des sacrifices et des souffrances qu'il faut pouvoir assumer. Cela apporte aussi de belles satisfactions qui vous grandissent en tant qu'être humain. Je pourrais dire que j'en ai fait partie pendant une période de mon existence. 

Longue vie à mes ami(e)s randonneur(se)s. 

Spéciale dédicace à tous ces glorieux randonneurs

Je vous aime ! 


Ce qui ne me tue pas, me rend plus fort ... pour d'autres aventures