Samedi, 1er jour
L'aube du jour J
point à l'horizon, le principal défi physique de mon année 2013 va se dérouler ces prochaines 40 heures,
c'est le brevet de 600 km organisé par le Club Vélo des Randonneurs de Montréal. Physiquement, je pense être prêt, près de 5000 kms dans les jambes
depuis le début de l'année, dont 2000 sur trainer Tacx durant les mois d'hiver jusque mi avril, la météo n'a pas été très clémente pour rouler à l'extérieur. Mentalement, je suis hyper
motivé pour réaliser cette folie, cette débauche d'énergie pour le plaisir, quoique je reste tout de même sur l'échec de mon dernier 400 qui m'a démontré certaines failles
dans mon apprentissage aux efforts de longue haleine. En effet, j'ai renoncé car je pensais
mon corps vidé de ressources, alors que cet état n'était que passager. J'aurais du prendre mon temps et
attendre un peu avant d'appeler mon taxi de Montréal, un coup de téléphone est si vite passé de nos jours,
putain d'iPhone ! la seconde erreur lors de ce brevet a été que je n'ai pas
roulé à mon rythme, j'ai
essayé de suivre les autres plus rapides et cela m'a mis dans le rouge prématurément. Moralité de l'histoire
pour aujourd'hui, rouler à ma propre allure et écouter mon corps pour lui donner ce
qu'il a besoin au moment opportun. Et advienne que pourra!
Pour me motiver
davantage, j'ai affiché mon objectif à atteindre sur ma page Facebook, comme cela mes amis pourront m'encourager,
que voulez vous, il faut utiliser les nouvelles technologies qui ont parfois du
bon. Maintenant, plus moyen de se défiler aux yeux de mon petit monde, une pression de
plus mais aussi un énorme soutien!
L'aventure
commence. Réveil à 3h30, préparation matinale habituelle et premiers coups de pédale dans le jour naissant, je
rejoins le point de départ peu avant 5h. Seulement 5 fous furieux ont répondu présent à l'appel du 15
juin, il y a bien sûr le président du club, Jean Robert qui se donne un coup de pompe discutant avec
René Deschènes de Rimouski, mon compère des derniers 300 et 400. Les 2 Martin, prénom populaire au Québec, Dugré et Doyon viennent
compléter la liste, et puis y a moi bien entendu, j'allais oublié. Frédéric Perman s'est désisté au dernier
moment, il a des problèmes avec son sang lors d'une chute récente (d’escalier), son taux d’hémoglobine a aussi chuté et c'est plus
sage pour lui de se ménager quelques temps pour repartir plus fort.
Distribution des
cartes, photo souvenir et c'est parti mon kiki! Le ciel est complètement dégagé de ses nuages, le
vent devrait être favorable d'après la météo, direction ouest et de force moyenne, ça va donc nous pousser, théoriquement. Je roule avec René car nous avons décidé de rester
ensemble jusque Lac Mégantic, si nos allures correspondent, Martin Do nous suit en silence.
Celui-ci nous suit jusque Chambly puis décide de nous larguer sans dire un mot, il se trompe
de direction, nous rejoint après, puis nous relargue, quelle histoire madame
Boulic! Jean et Martin Du ne tardent pas à nous dépasser non plus, ça y est, nous sommes les derniers
du brevet, mince alors!
Nous discutons
tranquillement avec René, la famille, le boulot, les projets, nous avons toute la journée pour faire mieux connaissance
alors on ne va pas se gêner. Mon objectif de la journée est de rejoindre Mégantic ou je vais m'arrêter pour dormir au motel, tandis
que mon compagnon va continuer dans la nuit et dormira si le besoin s'en fait
sentir, emmitouflé dans une couverture de survie qu'il a dans sa sacoche de type Carradice,
made in UK. D'ailleurs question sacoche pour randonneur, il y a aussi celle
d'Arkel, fabriqué au Québec, qui a bien la côte. Je m'en suis offert une récemment, plus volumineuse que ma
MEC, 11 litres au lieu de 7 et plus extensible aussi avec son soufflet au
dessus. Toute le kit est rentré dedans ce matin et il reste un peu
de place, question de rangement.
Les premiers 55
kilomètres sont avalés sans difficulté, on roule à l'économie, moyenne de 25. Il est 7h15 au contrôle 1 de Sainte Césaire, regroupement des 5 cyclos,
café, muffin et pipi. Aussi message sur Facebook, les premiers encouragements
arrivent, surtout Yves Ferland, mon pote de cœur du 300 et 400, la fine équipe avec René, Marc et lui, quelle dream team!
Jean me prodigue quelques conseils, comme boire un café bien chaud pour
se tenir éveillé. Il m'a d'ailleurs envoyé par courriel cette semaine pas mal
d'informations pour réussir des brevets dans de bonnes conditions, merci l'ami. Je lui ai
mentionné mon intention de dormir à Mégantic km 328 plutôt qu'à Lennoxville km
419 car ce serait trop pour ma pauvre carcasse, surtout avec la nuit à rouler et la
fatigue accumulée. Il m'a prévenu qu'il ne fallait pas niaiser
ensuite à mon réveil pour ne pas me mettre hors délai, message reçu chef!
Martin Do, qui a
une balise GPS pour le suivre sur le net, repart le premier, nous ne le
reverrons plus. Jean et Martin Du y vont ensuite, nous les rattrapons malgré nous sur la piste
cyclable qui longe la 112 car Jean répare un flat, tabernak de punaise, grommelle-t-il. Ça roule toujours tranquille, nous
longeons les nombreux campings le long de la piste qui mène à Granby km 80,
pause photo avec jet d'eau de Genève en arrière plan, tout va bien. On retrouve la 112, halte a
Waterloo km 105, au dépanneur ou j'ai abandonné mon 400 il y a 2 semaines, faut
conjurer le mauvais sort avec une photo revancharde, mais tout reste encore à faire, ne pas
vendre la peau de l'ours! À ce moment, Jean et Martin Du, les
machines infernales, nous dépassent à nouveau, nous ne les reverrons
plus, je les immortalise sur la pellicule numérique.
Nous passons Eastman et j'aperçois le motel ou ma copine Marielle avait passé la nuit lors de mon 400 de 2012, je m'y étais d'ailleurs arrêté prendre une douche avant de repartir pour une nuit de pédalage et boucler ce premier 400 en 24 heures chrono. Un petit tour dans le parc d'Orford et ses jolis paysages, le lac et le mont puis passage au pied des pistes de ski, photo encore, un vrai cyclotouriste. Les premiers raidillons commencent et il y a beaucoup de vélos dans cette belle contrée. Descente et pause repas au Subway à Magog km 142, René connaît bien l'endroit et nous y repasserons le lendemain. Soupe, sous marin et réseau social, ça fait du bien !
Les côtes défilent maintenant, belle campagne
et descente par le lac de Massawippi pour remonter de plus belle ensuite. Voila
Compton, km 180, contrôle 2 et son dépanneur Bonichoix, il est 13h30. La gang qui nous précède a laissé une bouteille
d'eau a moitié pleine ou à moitié vide, nous la terminons pour remplir nos gourdasses. Pause crème glacée, sur les conseils de René, nous apprécions le moment. Les hostilités se poursuivent, on va en bouffer
tout le brevet, autant se faire une raison, un dénivelé de 5200 mètres est prévu. Je consulte mon profil GPS qui
annonce descente et montée, ça fonctionne au poil pour l'instant, je peux ainsi gérer mon effort. Nous prenons de
l'altitude, presque 500 mètres, petit croche par Martinville, le pays des
Martin du Québec je suppose, avant de redescendre sur ce fameux village de Cookshire.
Les côtes ont entamé un peu de notre énergie mais tout va pour le mieux, pourvu que ça dure.
Contrôle 3 à Cookshire, km
235, il est 16h30, notre moyenne roulée se maintient autour de 25, pas pire, bitte, comme
on dit en allemand. Encore un Subway, un de plus, soupe, yogourt, chips et
recharge des GPS. C'est agréable de rouler avec René, il s'adapte à mon rythme et les
pauses sont ni trop longues, ni trop courtes, nous formons un bon binôme. Nous entamons la partie la plus
haute du brevet, c’est la route des sommets annonce un panneau! C'est presque 60 kms sur la
212 en ligne droite avec la super côte de Notre Dame des Bois en dessert, tout un
monument parait-il. C'est à cet endroit, raconte-t-on dans les
légendes cyclos, que le grand Simon a dû abandonner lors d'un 600 épique et s'était réfugié au seul gîte du village, lessivé après tant d'effort et de sueur, même René en tremble
encore!
Doucement mais sûrement, nous grignotons les faux plats qui se font de plus en plus raide à mesure que nous progressons. Vent toujours favorable, ça roule à la perfection, on ne pouvait rêver meilleures conditions, merci dieu des randonneurs, tu me fais un beau cadeau pour mon premier 600. La Patrie (allons enfants …) se profile a l'horizon, grosse descente en entrant dans le bled, le compteur s'affole à plus de 65 km/h, ça fonce! Y a des ventes de garage partout en ce samedi, mais je ne vendrai pas mon vélo aujourd'hui, c’est certain ! Petite halte pour se désaltérer et détendre vertèbres et muscles du cou. Car je viens de découvrir que je suis un vertébré d'après Wikipédia, et faut vivre avec!
Doucement mais sûrement, nous grignotons les faux plats qui se font de plus en plus raide à mesure que nous progressons. Vent toujours favorable, ça roule à la perfection, on ne pouvait rêver meilleures conditions, merci dieu des randonneurs, tu me fais un beau cadeau pour mon premier 600. La Patrie (allons enfants …) se profile a l'horizon, grosse descente en entrant dans le bled, le compteur s'affole à plus de 65 km/h, ça fonce! Y a des ventes de garage partout en ce samedi, mais je ne vendrai pas mon vélo aujourd'hui, c’est certain ! Petite halte pour se désaltérer et détendre vertèbres et muscles du cou. Car je viens de découvrir que je suis un vertébré d'après Wikipédia, et faut vivre avec!
Encore quelques coups de cul et voici Notre Dame km 280 et sa côte a fort pourcentage. Arrêt au dépanneur pour une nouvelle crème glacée, j'imite maître René, n'en déplaise a Jean ! Nos prédécesseurs ont encore laissé un bidon d'eau bien en évidence, merci les amis. Nous terminons le travail par l'ultime grimpette culminant à 644 mètres, avec photo de moi sur fond de mont Mégantic. Je me souviens que j'avais gravi les 2 sommités du parc en 2009, juste pour le plaisir, le majestueux mont Mégantic avec son observatoire, ainsi que le mont St. Joseph avec ses passages à près de 20%. Puis c'est la descente infernale sur Woburn ou nous stoppons pour nous déguiser en sapin de Noël, nous et les vélos car la noirceur commence à poindre, il est presque 20h30. Dernier droit plat le long du lac Mégantic à la lueur de nos torches, René fait feu avec ses 2 lumières tandis que je lui en mets plein la vue avec ma seule Cygolite 500. Depuis quelques kilomètres déjà, je rumine ma liste d’épicerie à emporter pour la bouffe de ce soir et demain matin, pendant ces longs moments bien assis sur la selle, on a tout le temps de faire fonctionner son cerveau.
Enfin voici les
lueurs de la cité lacustre et touristique, avec le Tim du contrôle 4, je m'y engouffre pour dévaliser le magasin. Alors il me
faut du ravito pour ce soir et demain matin déjeuner : lait au chocolat, jus
d'orange, bagel au fromage, croissants, beignes, eau, pepsi, sandwich BLT, le
gars a du mal a suivre sur sa caisse enregistreuse et il me met tout ça dans un grand sac plastique, mon
motel est à 500 mètres d'ici. Je salue René, mon compagnon de la journée, car notre collaboration s'arrête ici. Je le prends en photo
tandis qu'il se restaure puis il va continuer sa route toute la nuit avec un éventuel dodo dans la nature, enroulé dans sa
couverture de survie. Quelle endurance, moi je ne pourrais pas, je suis un peu
fourbu après cette chevauchée de 325 bornes, une bonne douche et un bon lit vont me faire le plus grand
bien. Bon courage Sieur René de Rimouski, tu es vraiment un bon
Jack!
J'arrive au motel à 22h30, je paye ma chambre de 100$ pour 5 heures, je recharge tous mes appareils vitaux, GPS, iPod, iPhone, pacemaker (mais non je niaise) pour tirer profit au maximum de cette pause salutaire. Je me douche, mange un morceau tout en écoutant la finale de la coupe Stanley à la TV, Go ChicaGo Go, que voulez-vous, j'aime pas Boston, poil au menton. Je programme mon réveil iPhone à 2h45, 3h00 et 3h15, je ne veux surtout pas louper mon réveil car Jean m'a bien dit qu'il ne fallait pas niaiser si je faisais un stop dodo à Mégantic ! Je me jette dans les bras de Morphée (qui est un homme soit dit en passant, si si, checkez Wikipédia) pour 3 bonnes heures dans des draps bien frais, je savoure le moment présent. Je dors d'un sommeil très récupérateur jusqu'au réveil, c'est un peu dur de se sortir du lit mais je suis motivé et je me prépare en 30 minutes, déjeuner inclus.
Dimanche, 2éme jour
Vers 3h30 je suis
de nouveau sur mon vélo, requinqué, propre et prêt à en découdre pour les 275 kms du retour, après tout, c'est la dernière droite jusque Montréal. J'avale l'asphalte éclairé par ma super
lampe 500 lumens, il n'y a pratiquement aucun trafic sur cette route 161 à cette heure, j'ai
la route à moi tout seul. La musique me passe entre les oreilles, j'écoute le dernier Daft Punk 2013,
avec la toune Loose yourself to dance que j'ai vite transformée en Loose yourself to ride, le
beat disco est terrible et me donne une pêche incroyable, à consommer sans
modération, come on, come on, come on! A l'horizon, je vois a nouveau poindre
le 2ème jour de cette randonnée et j'en suis tout ému, c'est beau!
Je traverse les
villages de Nantes, un petit air de Bretagne, puis Milan, un petit air
d'Italie, avant d'arriver à Scotstown, un petit air ... de Québec anglophone ! J'ai juste 5
heures 30 pour rejoindre Lennoxville distant de 90 kms, je sais que ça paraît facile mais il y a des côtes encore et faudrait pas qu'il
m'arrive un pépin mécanique car j'arriverai hors délai au contrôle et ça me ferait un peu chier! Le soleil s'élève doucement derrière moi et j'aperçois mon ombre apparaître sur la route, photo pour ce
moment d'intense solitude. Heureusement le vent n'est pas encore très perceptible à cette heure
matinale et ne me freine pas trop.
Encore pas mal de
côtes à gravir et de descentes à dévaler avant d'arriver à Cookshire et sa
bonne côte d'accueil, je repasse devant le Subway ou nous avons cassé la croûte hier avec René, souvenir déjà. Il me reste 20 kms jusque
Lennoxville et je calcule que je serai dans les temps, j'apprécie mon petit défi à l'intérieur de mon grand défi du brevet. Je pense à Jean à cet instant, car
je n'ai pas niaisé, il serait fier de moi. Justement, je passe devant l'université Bishop, ou lui et
les Martins ont du s'arrêter pour quelques heures, mais sont-ils répartis, je n'en sais rien? Photo
pour la postérité, au moins je saurai ou c'est pour le prochain 600.
Il est 8h17
lorsque je pointe au Esso-Tim, l'heure limite était à 9h04, ouf! Je décampe de là, l'endroit n'est pas très accueillant et je vais me réfugier au Subway, tiens donc, qui
vient juste d'ouvrir en ce dimanche dominical. Je me prends un petit déjeuner copieux pour bien recharger
le corps en énergie, et surtout un bon café pour me tenir éveillé! Envoi du post sur FB confirmant
mon arrivée dans les temps à Lennoxville, heureux que je suis, bien que ce ne soit pas encore fini.
Revigoré, je reprends la route vers 9h et
c'est par une bonne côtelette en travaux et poursuivi par les autos que je me sauve de la
banlieue de Sherbrooke. Dur de digérer dans ces conditions, il s'en suit un dédale de changement de direction,
heureusement mon GPS fait bien sa job, merci en passant au parcours fourni par
Martin Dugré l'année passée, aucun bug rencontré, travaillerait-il dans l'informatique celui-la!
Route plus tranquille en suivant le lac Magog mais la chaussée n'est pas excellente et la piste
cyclable n'est pas mieux. J'arrive dans la ville animée au km 450, tout va toujours bien,
j'ai encore faim, c'est plutôt bon signe. Alors arrêt au même Subway que la veille avec René, je vais finir par avoir une carte
de fidélité. D'ailleurs, une idée en passant, le CVRM devrait ouvrir un partenariat
avec Subway et Tim Horton pour offrir des cartes rabais en début d'année, ce serait bien apprécié!
J'évite tout de même de m'arrêter trop longtemps car je vais finir par me remettre a la recherche du temps perdu pour le contrôle de Cowansville, il me reste 70 bornes jusque là et il est 11h. Je repars en longeant le lac Memphremagog et arrive la terrible côte de Southières, triple plateau obligatoire, ma chaîne saute en le passant avec précipitation. Ce sera le seul incident mécanique du brevet, chus ben content de mon Marinoni made in Canada avec tubes Columbus made in Italy, qui est très fiable. Je voudrais aussi remercier mes performantes roues Mavic made in France et mes pneus Continental juste changés avant le 600, made in Germany venant tout droit de CRC in England, vive l'Europe. C'est juste le dérailleur avant Shimano made in Japan qui m'a fait défaut une seule fois sur une centaine de changements, pas pire quand même!
Je roule à présent en belvédère sur le chemin des Pères, belle route panoramique sur le
lac Memphré. Le ciel s'est soudain obscurci, ça augure mal pour la suite, d'autant que la météo avait prévu 90% de probabilité de précipitations et elle se trompe
rarement sur ce chiffre. Marielle tente de me rassurer par FB en mentionnant
que les vents sont passés au sud-est dans la région de Magog donc pas vraiment le vent d’ouest d'hier qui devait être direct dans le pif. Je continue
mon festival de côtes dans le coin d'Austin, ça n'en finit plus, je monte, je descends, je scrute
mon GPS, c'est vrai que les 5200 mètres de dénivelé total ne sont pas encore atteints
alors je prends mon mal en patience, merci la techno! Malgré les efforts répétés, mes jambes tiennent le coup et
j'en suis extrêmement surpris, toujours pas la moindre défaillance en vue, deviendrais-je
une machine ou un terminator!
Je retrouve des
routes connues vers Bolton centre et sud, prises lors du 400 quand je commençais à être nase après 180 km. Aujourd'hui avec 480 bornes au Garmin made
in USA, je suis quasiment frais comme une rose et je m'en félicite. La menace pluvieuse devient
réalité quand j'atteins la station service de Lac Brôme ou je m'abrite juste avant une sérieuse averse qui deviendra une
pluie non stop jusque la fin. J'en profite pour me bouffer une dernière crème glacée quoique la température devient elle même glacée! J'enfile mes sur-chaussures et
mon imperméable que je ne quitterai plus jusque St. Lambert. Voilà une légère accalmie alors je me rue sur la
route et dans les flaques d'eau, dévalant à plus de 30 à l'heure en pente
douce jusque Cowansville. La terrible 104 déverse son flot d'autos retournant à Montréal après une fin de week-end pourrie.
Contrôle 6 au Tim Horton de Cowan la
barbare, il est 14h38, la limite était à 15h32, je joue avec le feu à cause de l’eau ! Mais pas de
panique a la Jamaique puisque tout baigne, c'est le cas de le dire car je suis
tout trempe mais heureusement bien au chaud dans l'effort! Dans la foulée, je prends une soupe, un café et un beigne
puisque tout beigne! Je recharge mon GPS un peu faiblard avec ma batterie
auxiliaire, c'est tip top cette bébelle, pour 20$ chez gomadic.com j'ai trouvé la solution à mes problèmes d'autonomie. Il suffit juste
d'acheter des batteries AA pour l'alimenter, en vente dans tout bon dépanneur mais pas au Tim, ni au
Subway car eux n’ont que des plugs pour ça! Message sur FB mentionnant qu'il me reste 90 kms à boucler, état physique impeccable, plus de côtes, vent léger et même favorable, moral chargé à bloc sans aide de batterie, autant
dire que rien ne peut plus m'arrêter, ni même cette pluie persistante et froide.
Vers 15h15, je
repars comme un brave, sous le regard perplexe des clients du Tim. Alors mon
gars, on fait une tite balade sous la pluie? Oui monsieur, je fais juste le
tour du lac Mégantic et je rentre chez moi à St. Lambert. Je vois de l'incrédulité dans les yeux du
monsieur! Je continue sur la 104, toujours à fond les ballons,
fendant en deux les flaques d'eau et évitant les craques cachées et traîtresses à souhait, c'est
comme un jeu vidéo où tu mets juste ta vie en jeu! La route est plate, la circulation moins
intense, la force est toujours là, j'aligne les kilomètres en scrutant mon odomètre, ça y est, je crois que je suis une
machine! C’est dingue les possibilités du corps humain! Je file vers Farnham et rencontre
la seule route barrée pour travaux du brevet. Mais mon GPS me dit qu'il faut passer par Yamaska
alors je passerai par Yamaska, nom d'un chien. En effet, la route est défoncée par les bulldozers sur 300 mètres, reste plus qu’une tranchée de boue et de garnotte et je veux
tout de même franchir cet obstacle imprévu. J'aperçois des roues de vélo qui ont traversé ce champ de
labours, sûrement mes compagnons tout à l’heure. Photo pour marquer cet
instant insolite et je reprends ma bonne cadence sous une pluie qui se fait
intermittente.
C'est avec une
joie non dissimulée que je retrouve la 112 à Ste Césaire au km 555, signe que ça sent la fin des haricots. Pour
une fois, pas de contrôle icitte mais un arrêt tout de même au traditionnel Tim pour une dernière soupe, un café et un beigne,
histoire de reprendre du carburant et de ne pas s'endormir sur le vélo. J'envoie mon avant dernier post
avant l'arrivée, je consulte agréablement la liste des amis qui me supportent et les commentaires de
certains, genre Go Go Go Pascal, ça fait chaud au cœur!
Dehors la pluie a
repris de plus belle et il faut bien se remettre en selle pour en finir avec ce
dernier tronçon de 48 bornes. En plus le vent se remet de la partie et me fouette le
visage, ce qui rend le final assez désagréable. On ne peut pas toujours avoir la baraka (la
chance en argot de France) comme ce fut le cas hier avec ces conditions idéales. Quelques détours dans la campagne montérégienne avant d'achever par la 112
et son slalom sur la bande cyclable entre les roches, ce serait bien con de
crever juste à la fin, phénomène que j'ai maintes fois lu dans les récits de brevet se terminant
quasiment tous par cette horreur de route. Pour compléter le tableau, il faut se payer
les champs de mine inondés de Cousineau, Lapinière et le festival de Victoria. De
plus, avec l'humidité et la température redescendue à 10 degrés, ça gâche un peu mon plaisir ! Mais quelle jouissance de se
retrouver au Couche Tard de St Lambert, ultime contrôle au km 605 atteint à 19h47 heure
locale, soit 38 heures et 47 minutes, arrêt inclus, en fait 27 heures de selle et presque 12
heures de pause. Je pense à René, complice privilégié de ce petit
exploit, ainsi qu'aux autres, Jean et les 2 Martins qui ont certainement déjà terminé et sont bien au
chaud chez eux.
Certainement sur
l'adrénaline, je ressens peu de fatigue et mon corps est en parfaite harmonie
avec mon esprit, rempli d'allégresse et de satisfaction. Pas de douleur nulle
part, ni aux fesses (merci selle Brooks), ni aux cervicales (merci le chiro et
les conseils de Jean), ni aux jambes (merci Maman et Papa et aussi traîner Tacx), je suis plus que content
de ma préparation physique intense depuis 6 mois, ça valait la peine de tous ces
efforts accomplis puisque j'ai atteint mon objectif.
Je rentre vite
fait à mon condo distant de 3 km par la même Victoria puis j'envoie le dernier message FB attestant
de ma réussite à ce défi personnel, yes, je l'ai fait, incroyable, je n'en reviens toujours pas,
surtout avec cet état de fraîcheur étonnant. Je pensais atteindre mes limites au bout de 40 heures d'effort
mais je m’aperçois que le corps est capable d'encaisser bien plus qu'on ne le croit, si on
le prépare et qu’on l'écoute adéquatement, ce fut une belle expérience humaine! Je n'étais plus sûr de refaire le 400 dans 2
semaines, mais vu mon état de forme, je pense que je vais prendre ma revanche sur la dernière fois et m’y inscrire, histoire de compléter toute la série de brevets cette année.
Après ces instants de pure folie, voici
que se profilent les vacances de juillet et août. Ce sera le temps d'un peu plus
m'occuper des personnes que j'aime et qui m'entourent, finie l'aventure
physique égoïste … jusque l'année prochaine! En attendant cette période de farniente, RV le 29 juin pour le 400, si la
météo n'est pas trop pourrie!
PS: Le lendemain,
je lis le récit de Martin Doyon sur FB et les notes de Jean sur le site CVRM. Je
constate que la gang des 3 est arrivée seulement 3 heures avant moi, je n'avais que 2
heures de retard à Cowansville. En revanche, pas de nouvelles de René, j'espère qu'il a bien terminé sans encombre, à suivre. Martin Do
a apparemment souffert des genoux, Jean a plutôt trouvé ça facile à cause d'une météo favorable et exceptionnelle. Je
ne pense pas qu'il n'y en aura pas de facile mon Jean, il y a quand même 600 bornes à se farcir, mais ça aurait pu être plus dur, une prochaine fois, sûrement!
De retour a mon
condo, j'appelle ma chérie pour lui exprimer ma joie d'avoir réussi mon pari et lui dis que je
reste chez moi ce soir car j'ai des trucs a ranger et je dois me reposer. Texto
a Véro pour lui confirmer aussi mon arrivée et que le service de taxi est levé. Douche, restauration et
relaxation devant la télé, je savoure encore mon état de grace.
Super compte rendu, vivant, on se prend dans l'histoire. Très agréable à lire. Bravo Pascal . En route pour PBP 2015.
RépondreSupprimer